Pour un printemps des mœurs sexuelles

La journaliste libanaise Joumana Haddad appelle les femmes arabes à la révolte.

Nina Bontemps-Terry  • 28 février 2013 abonné·es

La chasse est ouverte, sus aux machos ! Joumana Haddad déclare la guerre au patriarcat dans Superman est arabe, un essai qui fait suite au très remarqué J’ai tué Schéhérazade, traduit en douze langues. Avec une totale liberté de ton, la journaliste libanaise appelle les femmes arabes au soulèvement. Non pour prendre le pouvoir aux hommes, mais pour le partager équitablement autour de l’idée d’un partenariat.

Une chose est sûre, Joumana Haddad n’a pas peur des mots. Elle qualifie le sexe opposé sans aucune retenue, dans un jargon provocant, voire grossier. Ainsi, pour elle, «   les types sensibles ne traitent les femmes convenablement que pour les soumettre à leur grosse bite de macho   ». D’ici, la formule peut sembler risible, voire à la limite du ridicule. Mais il faut la replacer dans son contexte. Bien que le Liban soit le plus occidentalisé des pays arabes, ce que l’auteure ne manque pas de préciser, la situation des femmes y est plus que précaire : harcèlement sexuel, culte de la chasteté et de l’honneur familial, domination de l’époux. On imagine combien la démarche de Joumana Haddad est indécente en son pays – et plus largement dans le monde arabe – et constitue une provocation spectaculaire. L’auteure désinhibée est sans conteste une femme libre. Quitte à parfois se laisser prendre au piège de sa liberté. La mince frontière entre audaces et outrances bénignes est souvent franchie. Si bien que le livre prend quelquefois des airs de rébellion adolescente. En particulier lorsqu’elle conte des anecdotes de sa jeunesse. «   Lors des confessions, je m’amusais beaucoup à inventer des péchés […]. Ce ne devait pas être du gâteau pour ce pauvre prêtre d’écouter chaque semaine mes fantasmes délirants ! », écrit-elle, non sans une certaine autosatisfaction.

Si le livre est initialement écrit en anglais, ce n’est pas anodin. On sent chez l’auteure la velléité de reprendre des codes occidentaux. Car bien qu’il s’adresse aux femmes arabes, mêlant poèmes, témoignages et réflexions sociétales, c’est souvent à la manière d’un magazine féminin. Exemple, l’auteure rédige «  Le pénis : mode d’emploi  », un guide à destination des hommes détaillant, en 29 directives, comment bien faire l’amour à une femme. « Alterne les morsures et les baisers, les caresses et les coups de griffe : réveille l’animal qui sommeille en chacun de vous », conseille-t-elle. Précisons-le, c’est l’un des conseils les plus soft. Les allusions récurrentes à la sexualité, si elles choquent dans le monde arabe, tombent aussi dans les lieux communs occidentaux.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Michaël Fœssel : « Nous sommes entrés dans un processus de fascisation »
Entretien 24 avril 2025

Michaël Fœssel : « Nous sommes entrés dans un processus de fascisation »

Dans Une étrange victoire, écrit avec le sociologue Étienne Ollion, Michaël Fœssel décrit la progression des idées réactionnaires et nationalistes dans les esprits et le débat public, tout en soulignant la singularité de l’extrême droite actuelle, qui se pare des habits du progressisme.
Par Olivier Doubre
Rose Lamy : « La gauche doit renouer avec ceux qu’elle considère comme des ‘beaufs’ »
Entretien 23 avril 2025 libéré

Rose Lamy : « La gauche doit renouer avec ceux qu’elle considère comme des ‘beaufs’ »

Après s’être attaquée aux discours sexistes dans les médias et à la figure du bon père de famille, l’autrice met en lumière les biais classistes à gauche. Avec Ascendant beauf, elle plaide pour réinstaurer le dialogue entre son camp politique et les classes populaires.
Par Hugo Boursier
Sur le protectionnisme, les gauches entrent en transition
Idées 23 avril 2025 abonné·es

Sur le protectionnisme, les gauches entrent en transition

Inflexion idéologique chez les sociaux-démocrates, victoire culturelle pour la gauche radicale… Face à la guerre commerciale de Donald Trump, toutes les chapelles de la gauche convergent vers un discours protectionniste, avec des différences.
Par Lucas Sarafian
Médecine alternative : l’ombre sectaire
Idées 16 avril 2025 abonné·es

Médecine alternative : l’ombre sectaire

Un rapport de la Miviludes met en lumière un phénomène inquiétant. Depuis la pandémie de covid-19, l’attrait pour les soins non conventionnels s’est accru, au risque de dérives dangereuses, voire mortelles.
Par Juliette Heinzlef