Rythmes scolaires: chez eux, c’est fait, et ça marche

Plusieurs villes sont déjà passées aux 4,5 jours. À Toulouse et La Roche-sur-Yon, l’expérience est un succès.

Julie Droin  • 28 mars 2013 abonné·es

À Toulouse comme à La Roche-sur-Yon, la réforme des rythmes scolaires ne fait plus débat. Parents et enseignants sont déjà convaincus. La semaine de 4,5 jours est une réalité depuis onze ans à La Roche-sur-Yon dans quatre écoles qui s’étaient portées volontaires pour un aménagement de leurs rythmes de travail. Et ce pour trois raisons, selon Sylvie Chartier, adjointe à l’enseignement : « Un rythme insatisfaisant pour les élèves, une fatigue récurrente et des inégalités entre les enfants. » « Il a fallu se concerter avec les parents d’élèves, se souvient Dominique Pérocheau, le directeur de l’école élémentaire Jean-Moulin. Dès que l’on touche à la vie de l’école, on touche à la vie familiale. » Depuis, les enfants ont classe le mercredi matin et terminent plus tôt certains jours de la semaine, avec une pause de midi réduite à 1 h 30. Des activités artistiques, sportives, scientifiques ou de citoyenneté encadrées par des animateurs municipaux et associatifs sont proposées pendant la semaine. « Il y a une forte participation aux activités alors même qu’elles ne sont pas obligatoires. Et pas d’absentéisme le mercredi, comme pouvaient le penser les détracteurs de la mesure », souligne Sylvie Chartier.

Si on voulait vraiment améliorer la réussite et le bien-être des élèves, il faudrait commencer par parler des effectifs de classe encore souvent trop chargés ; des absences d’enseignants non remplacées ; des réseaux d’aide et de prévention démantelés ; […] des programmes parfois insensés ; des évaluations qui rendent enfants et adultes stressés ; […] des professeurs d’art et d’éducation physique dont l’avenir est menacé ; des expérimentations de terrain souvent ignorées, rarement encouragées ; […] des enseignants régulièrement critiqués, discrédités […]. Mais, bien sûr, tout ça n’a aucun rapport avec les rythmes et la fatigue de l’enfant ! De qui se moque-t-on ? Arrêtons de faire diversion avec cette question des rythmes scolaires[…]. Parlons enfin du réel et du quotidien ! Car, pour viser à une refondation de l’école, il faudrait s’occuper en priorité de ces fondations instables et fragiles qui ont, elles, un rapport très étroit avec les rythmes et la fatigue de l’enfant.

Par Marc Noyer, professeur des écoles à Paris

Les enseignants profitent du temps dégagé par les activités pour travailler en équipe. « Ils reconnaissent que, si leur présence à l’école n’a pas diminué, les conditions de travail sont plus agréables », affirme Dominique Pérocheau. La mesure permet aussi une plus grande équité entre les enfants. Gratuites, les activités ne dépendent pas de l’environnement social. Avant, le mercredi marquait une rupture dans le rythme de l’enfant, qui pouvait ainsi veiller tard le mardi soir. Mais, « au bout d’un an, les enseignants ont constaté que les enfants étaient moins fatigués. Et la matinée du mercredi est même devenue la plus productive ». Ces améliorations ont un prix. Pour 500   enfants, le coût de la mesure s’élève à 220 000 euros. Le tout à la charge de la municipalité. La généralisation des nouveaux rythmes scolaires aux trente écoles de La Roche-sur-Yon, à la rentrée 2013, doit encore faire l’objet d’une consultation entre la mairie et les acteurs de l’éducation. Sylvie Chartier y croit. Dans les quatre écoles ayant anticipé l’expérience de la semaine de 4,5 jours, les parents d’élèves ne souhaitent plus revenir en arrière. « Nous sommes convaincus du bien-fondé de la mesure », confirme l’adjointe à l’enseignement. À Toulouse, la situation est un peu différente puisque, historiquement, il y a toujours eu cours le mercredi matin. Le passage à la semaine de 4 jours en 2008, voulu par le ministre de l’époque, Xavier Darcos, n’a tout simplement pas été appliqué. Le maire, Pierre Cohen, tout juste élu, avait obtenu une dérogation pour s’organiser, gagner du temps. « Pierre Cohen ne voulait pas d’une coupure qui fragilise les enfants », explique Gisèle Verniol, première adjointe en charge de l’éducation. Un an plus tard, une consultation réunissant enseignants et parents d’élèves a lieu : 65 % des votes sont en faveur de la semaine de 4,5 jours. La municipalité obtient ainsi une nouvelle dérogation de trois   ans. En 2012, rebelote. Cette fois, la consultation obtient 85 % de votes pour. Avec 200   écoles concernées, « c’est un vrai bilan d’adhésion ».

Les projets périscolaires se décident entre la municipalité et les centres de loisirs associés à l’école, mais chaque école est maîtresse de ses choix. Sport, art, cuisine : l’objectif est d’aborder à travers les activités des thèmes sur la discrimination, le vivre-ensemble, l’égalité femmes-hommes, le développement durable… Les enfants sont autonomes, ils choisissent ou changent leurs activités au cours de l’année s’ils le souhaitent. La réflexion sur des rythmes est menée autour de l’enfant. « Un enfant en échec scolaire qui réussit dans une activité se sentira valorisé, témoigne Gisèle Verniol, l’école perd ainsi sa connotation négative. » Pour l’ensemble des établissements, la municipalité dépense 20 millions d’euros. « Chaque ville à son échelle peut faire de l’éducation sa priorité. C’est une décision politique, et certaines font le choix de ne pas investir. »

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Sale temps pour la démocratie
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