ANI : Coup de force au Sénat

En recourant au « vote bloqué » pour faire passer l’ANI, le gouvernement a rejeté les communistes dans l’opposition.

Michel Soudais  • 25 avril 2013 abonné·es

Le Sénat a adopté précipitamment dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21, et à une majorité relative de 172 voix sur 344, le projet de loi dit de « sécurisation de l’emploi ». Vingt-quatre sénateurs ont voté contre. Les Verts et la droite se sont abstenus. Le dernier obstacle à la transposition législative de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier (ANI) signé par le patronat (Medef, CGPME, UPA) et trois syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC), mais refusé par FO et la CGT, est ainsi franchi. À l’exception de la suppression (souhaitée par le Medef et obtenue par l’UMP) de la « clause de désignation » permettant aux partenaires sociaux de désigner l’organisme assureur qui prendra en charge la généralisation de la complémentaire santé prévue par le texte, les amendements adoptés sont mineurs.

Le gouvernement s’est opposé systématiquement aux amendements de la socialiste Marie-Noëlle Lienemann, des Verts (une soixantaine) et des communistes (450), arguant qu’ils auraient dénaturé l’équilibre du texte. Afin de couper court au débat qui menaçait de durer, et de conserver intact son projet de loi « historique », un texte « comme il n’y en a que trois ou quatre par siècle », le ministre du Travail, Michel Sapin, a demandé samedi un vote bloqué. Cette procédure inscrite à l’article 44-3 de la Constitution n’avait été utilisée que trois fois sous Sarkozy. Notamment, en octobre 2010, au Sénat, sur la réforme des retraites, après trois semaines de débat. À l’époque, le PS avait dénoncé « un coup de force » et jugé ce « contournement du Parlement […] scandaleux ». « Comment accepter que sur un sujet essentiel, qui engage le pacte social et républicain, écrivait-il dans un communiqué, on refuse aux élus de la nation le temps nécessaire au débat ? Cette décision déshonore et discrédite le gouvernement et le Président. »

Samedi, quand le gouvernement a dégainé cet article, l’examen de la transposition de l’ANI n’en était qu’à son troisième jour. Plus grave, c’est la première fois qu’il est appliqué par un gouvernement contre un groupe de la majorité. Ce « coup de force contre la démocratie parlementaire, mais aussi contre le monde du travail […], ne restera pas sans conséquences », a averti la présidente du groupe communiste, Éliane Assassi.

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