Arrêtons de servir la pensée Medef !

Le député communiste André Chassaigne explique les enjeux de la proposition de loi.

André Chassaigne  • 16 mai 2013 abonné·es

Les huit articles de la proposition de loi des députés du Front de gauche, tendant à interdire les licenciements boursiers et les suppressions d’emplois abusives, examinée le 16 mai en séance à l’Assemblée nationale, ont été construits sur la base d’un travail collectif associant les différentes composantes du Front de gauche et impliquant le Front des luttes. Il s’est aussi appuyé sur l’apport et l’expertise de terrain de nombreux syndicalistes et de représentants d’entreprises en lutte. Si l’on prend en compte toutes les catégories de demandeurs, notre pays compte plus de cinq millions de personnes privées d’emploi. L’ampleur de la crise, la violence patronale à l’égard des travailleurs, la précarité dans laquelle se trouvent plongés un nombre toujours plus grand de salariés, la destruction de 600 000 emplois industriels depuis 2008 imposent une action rapide du législateur face à l’attentisme coupable des gouvernements successifs. Plutôt que de répéter à l’envi un message de communicant sur « l’inversion de la courbe du chômage » d’ici à la fin 2013, nous proposons donc une nouvelle fois au gouvernement et à sa majorité de se saisir des propositions concrètes que les députés du Front de gauche mettent sur la table.

Reprendre le chemin de la création d’emploi, cela suppose d’abord de cesser de jouer aux bons serviteurs de la pensée « Made in Medef », qui priorise la recherche de « rentabilité » pour les actionnaires sous couvert de recherche de « compétitivité ». Il est temps de réarmer l’État avec des points d’appui législatifs en matière d’interdiction des licenciements injustifiés et des suppressions d’emplois abusives. Ces licenciements abusifs, ou « boursiers », résultent du détournement des procédures de licenciements actuelles, alors que les entreprises ne connaissent parfois aucune difficulté particulière ni prévisible. Par ailleurs, à côté de ces procédures de licenciements collectifs, les employeurs disposent désormais d’autres outils pour réduire leurs effectifs et éviter les risques liés aux licenciements économiques. C’est le cas de la rupture conventionnelle. Il convient de mettre un terme à son utilisation par les employeurs, qui constitue là aussi un contournement de leurs obligations. De même, lorsque le chef de l’État annonce un texte visant à renforcer la reprise des sites rentables ou à « renchérir le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions », il ouvre en réalité au patronat des portes de sortie qu’il s’empressera de prendre.

Face au saccage de l’emploi des Continental, Unilever, Sanofi, Valeo, Arcelor, Goodyear, Renault, PSA, ArcelorMittal, Carrefour, etc., il faut des mesures fortes. Pas des édulcorants pour éviter le traitement de choc ! Aux socialistes et aux Verts, je rappelle que l’interdiction des licenciements pour les entreprises réalisant des bénéfices et versant des dividendes a déjà été votée en l’état par les sénateurs de gauche en 2012. Comment peut-on laisser penser qu’elle serait subitement devenue inconstitutionnelle ? Faut-il rappeler que l’article 34 de la Constitution précise que « le Parlement est seul compétent pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la Sécurité sociale   »  ? Comme rapporteur de ce texte, j’ai la ferme volonté d’ouvrir des brèches contre le pouvoir exorbitant du capital.

Travail
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