François Hollande et l’an II de l’austérité

François Hollande a confirmé le cap libéral du « sérieux budgétaire » et défendu le « bien-fondé » de cette politique économique prônée par la Commission européenne.

Thierry Brun  • 16 mai 2013
Partager :
François Hollande et l’an II de l’austérité
© Photo : PATRICK KOVARIK / AFP

Oublier la récession et les chiffres catastrophiques du chômage, c’est l’exercice auquel s’est livré François Hollande au cours de sa conférence de presse semestrielle, jeudi 16 mai. Et ne rien changer au logiciel néolibéral qui a conduit à la récession, en accord avec la Commission européenne. Ce nouveau grand oral du chef de l’État intervient pourtant au lendemain d’une journée noire qui a vu la France entrer officiellement en récession, avec deux trimestres consécutifs de recul du PIB, tandis que le pouvoir d’achat des ménages français a enregistré une baisse record de 0,9 % en 2012, selon l’Insee.

Le Président n’est pas revenu sur ces chiffres, mais a tracé les prochaines étapes de son action, qu’il avait présentée la veille à Bruxelles au terme d’une visite à la Commission européenne. François Hollande a ainsi apporté un soutien appuyé à la politique menée par Jean-Marc Ayrault, celle d’un « État qui a démontré sa crédibilité budgétaire, un pays qui a amorcé le redressement de sa compétitivité et qui a entrepris par la négociation la réforme du marché du travail » . Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault « a permis d’obtenir du temps, deux ans, pour atteindre notre objectif qui est celui de réduire le déficit public » , « confirmant ainsi le bien-fondé de la démarche que j’ai engagée depuis mon élection pour faire bouger les lignes en Europe » .

La ligne bruxelloise réaffirmée

Pour François Hollande, la France serait le moteur du changement en Europe. Le chef de l’État a joué les équilibristes en reprenant à son compte les récentes orientations politiques de l’Union européenne, sans citer une seule fois le nom d’Angela Merkel et de sa politique monétariste, mais en parlant de « l’indispensable couple franco-allemand » . Pour le président, « la France a su jouer le rôle de trait d’union entre l’Europe du Nord et du Sud » dans la politique économique de ces derniers mois. Il a aussi réitéré son analyse de la situation : la crise est « derrière nous » , répétant ce que claironnaient les dirigeants européens en 2012 en prônant des « réformes structurelles » . « Les causes ont été régulées et jugulées. Ce qui frappe l’Europe, ce n’est plus la crise financière » , mais « c’est la récession provoquée par les politiques d’austérité qui touche tous les pays de la zone euro » .

« La France est engluée dans une zone euro complètement paralysée par sa politique d’austérité » , réagit Henri Sterdyniak, membre du collectif des économistes atterrés (dans l’Humanité du 16 mai). Et l’entrée en récession de la France signe « l’échec de la politique d’austérité poursuivie dans l’Union européenne, fondée sur l’obsession libérale de la réduction du déficit budgétaire pour donner des gages aux marchés financiers » , estime la CGT. La centrale syndicale dénonce « l’augmentation aberrante du coût du capital » , « la sous-rémunération du travail et la précarité des salariés » . Elle reproche au président François Hollande et au gouvernement de ne pas « opérer un vrai changement au nom duquel ils ont été élus » , mais de préférer « poursuivre les privatisations, restreindre les droits à la retraite, multiplier les cadeaux fiscaux aux entreprises » .

André Chassaigne, chef de file des députés Front de gauche, a comparé François Hollande au « chef d’orchestre du Titanic » . « Il continue à jouer sa musique alors que le navire va dans le roc » , critique l’élu communiste. Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a estimé que François Hollande avait, à Bruxelles, « confirmé les orientations austéritaires de la politique du gouvernement » , ce qui constitue une « grave erreur à l’heure où la France entre officiellement en récession » .

Le soutien aux réformes de l’an I

Cette récession, « qui menace jusqu’à l’identité même de l’Europe » , « la Commission européenne a commencé à comprendre les risques et les menaces et elle a décidé d’adapter le rythme de la consolidation budgétaire à la conjoncture » , assure le chef de l’État. C’est un bon signal, qu’il considère comme un « rebond, une opportunité pour une reprise plus rapide en France et en Europe. Car l’enjeu, c’est la croissance, c’est la sortie de la crise, c’est la fin de la récession » , une vision purement idéologique qui est pourtant un échec patent.

François Hollande soutient fortement « les réformes essentielles pour le pays » , c’est-à-dire le « sérieux budgétaire » , affirmant que les dépenses de l’État seront stables en 2013, qu’elles reculeront en 2014 d’un milliard et demi d’euros ; le pacte de compétitivité, « l’allègement du coût du travail pour être meilleur sur les marchés internationaux »  ; « la maîtrise de la finance » , avec la loi bancaire qui « anticipe même sur ce que sera l’union bancaire européenne » et la séparation des activités de dépôts et spéculatives ; l’accord sur la sécurisation de l’emploi, la réforme du marché du travail.

Vers l’an II des réformes

« Ce qui importe aux Français, c’est maintenant, donc l’an II, ce doit être l’offensive. C’est d’abord lancer une initiative européenne » , promet un François Hollande dans une brève allusion révolutionnaire. Comment ? En s’appuyant sur la zone euro. L’initiative se décline en quatre points, notamment en instaurant « avec les pays de la zone euro un gouvernement économique, qui se réunirait tous les mois autour d’un véritable président nommé pour une durée longue et qui serait affecté à cette seule tâche » . Il débattrait « des principales décisions de politiques économiques à prendre par les États membres, harmoniserait la fiscalité, commencerait à faire acte de convergence sur le plan social, par le haut, et engagerait un plan de lutte contre la fraude fiscale » . L’idée, déjà proposée en 2011 par Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, revient donc au premier plan et a la faveur de la présidence de l’Union européenne.

L’ensemble des mesures européennes, notamment un plan pour l’insertion et l’emploi des jeunes, la définition d’une stratégie d’investissement pour les nouvelles industries et les nouveaux systèmes de communication, la communauté européenne de l’ énergie destinée à coordonner « tous les efforts pour les renouvelables » , la nouvelle étape d’intégration avec une capacité budgétaire qui serait attribuée à la zone euro et la possibilité progressivement de lever l’emprunt, ne sont pas nouvelles et sont conditionnées à l’engagement de respecter les critères de retour à l’équilibre des États membres de la zone euro, ainsi qu’à la poursuivre des « réformes structurelles » exigées par la Commission européenne, au nom de la compétitivité.

François Hollande a aussi rappelé la « feuille de route » du gouvernement qui doit être d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année, reprenant à son compte le langage du Medef. « Comment faire l’offensive ? » , il s’agit de « promouvoir un modèle fondé sur la performance mais aussi sur la responsabilité sociale environnementale » .
Ainsi, au mois de juin sera présenté « un plan d’investissement pour les dix ans qui viennent, autour de quatre grandes filières : le numérique, la transition énergétique, la santé et les grandes infrastructures de transports » , en « allant chercher les crédits européens, ce que nous avons contribué à dégager avec le plan d’investissement et de croissance de l’an dernier » . En « allant chercher » les crédits du programme des investissements d’avenir, « ce que le grand emprunt avait produit en 2010 » .

Il y a « ce que nous pouvons obtenir du relèvement du plafond du livret A, des fonds de la Caisse des dépôts, de la Banque publique d’investissement et puis il y a ce que les cessions de participations publiques peuvent procurer comme ressources supplémentaires » . Pour financer ces investissements d’avenir, « nous devons aller chercher le secteur privé, des partenariats » . « Il convient de mieux orienter l’épargne vers l’investissement productif » , autour de trois mesures : la réforme de l’assurance vie, un plan d’épargne action pour les PME avec des dispositifs incitatifs, la révision de l’imposition des plus-values mobilières.

Le meilleur pour la fin

Dans les réformes de soutien à la croissance, François Hollande a évoqué longuement le « choc de simplification » , ainsi que la formation professionnelle qui fera l’objet d’une négociation avec les partenaires sociaux, Pôle emploi et les régions lors de la prochaine conférence sociale pour être votée avant la fin de l’année. Le chef de l’État a attendu la fin de son discours pour ajouter à la longue liste des futures réformes, celle des retraites, exigée par la Commission européenne. La rhétorique est la même que celle employée par Nicolas Sarkozy : il s’agit « d’assurer l’avenir des retraites » . « Nous devons rétablir durablement les régimes de répartition tenant compte de notre démographie » , « mais dès lors que l’espérance de vie s’allonge » , « on devra travailler aussi un peu plus longtemps » .

La concertation s’ouvrira dès la conférence sociale de juin et se poursuivra jusqu’à la fin de l’été. Là aussi, rien de nouveau : ces mesures figurent dans le programme de stabilité et le programme national de réforme transmis en avril à la Commission européenne. Elles préfigurent les futures baisses de revenus pour les retraités et les salariés. La réforme des « régimes de retraites par répartition » est en effet conduite « en lien avec la trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics » .


  • (Re)voir l’allocution de François Hollande, en introduction aux questions des journalistes :


Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don