Les mauvaises raisons du PS contre la loi

Pour justifier leur refus du texte sur l’amnistie sociale, voté au Sénat fin février, les socialistes avancent cinq arguments.

Michel Soudais  • 16 mai 2013 abonné·es

Dans les médias et en commission des lois, les socialistes ont jusqu’ici justifié leur refus de voter un texte accepté deux mois plus tôt au Sénat en avançant cinq types d’arguments contestables.

Le contexte ne s’y prête pas. Le 24 avril, quand le texte est discuté en commission des lois à l’Assemblée nationale, les manifestations contre le mariage pour tous dégénèrent tous les jours depuis une semaine. « Ce qui se passe en ce moment montre qu’il faut avoir une seule réponse : le respect de la loi républicaine pour tous », attaque Alain Vidalies, ministre en charge des relations avec le Parlement, quand il annonce que le gouvernement mettra son veto au texte. Comme si l’on pouvait mettre sur le même plan des casseurs de droite extrême et des salariés défendant leur gagne-pain.

Dura lex, sed lex. La plupart des socialistes admettent que l’exaspération des syndicalistes sous Sarkozy était légitime. Mais, assène Bruno Le Roux, le patron des députés PS, « la loi s’applique à tout moment sur notre territoire et on ne peut pas se lâcher à certains moments au prétexte qu’il y aurait des raisons ». « Dans une société tourmentée, il faut […] rétablir l’ordre républicain », risque le député-maire d’Asnières, Sébastien Pietrasenta, qui rappelle avoir expliqué aux « jeunes [de ses] quartiers [que] le chômage et la montée des difficultés sociales ne pouvaient être en aucun cas une excuse à la violence ». « Pour moi, le monopole de la violence, c’est l’État », renchérit, martial, Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Oublié, François Mitterrand, qui savait amnistier ceux qui s’étaient dressés contre « la force injuste de la loi ».

Une loi trop large et mal rédigée. Pour refuser de « confirmer » la loi à l’Assemblée nationale, le ministre Alain Vidalies invoque « des erreurs de rédaction », notamment le fait qu’elle « visait aussi les délits financiers ». À cause d’un amendement du… PS. Un argument repris par la députée d’Ille-et-Vilaine, Marie-Anne Chapdelaine, au nom du groupe socialiste, qui juge en outre inadéquate l’étendue temporelle retenue (du 1er janvier 2007 au 1er février 2013). Mais n’est-ce pas le rôle des députés de corriger et d’améliorer les projets et propositions de loi qu’on leur soumet ?

Légitimer le dialogue social. « Depuis douze mois, nous avons installé une méthode nouvelle, assure Bruno Le Roux. À l’affrontement qui était celui avec les forces syndicales, nous avons choisi de substituer le dialogue social ; ce texte ne va pas dans le bon sens. » À l’heure où le gouvernement appelle à la négociation entre partenaires sociaux, « on ne peut pas dire qu’à un moment le mouvement syndical peut faire appel à la violence », renchérit Jean-Jacques Urvoas. Encore faudrait-il que l’État empêche des fonds de pension de s’emparer d’un outil industriel, de le démembrer et de laisser sur le carreau des salariés, leurs familles et des régions entières.

Satisfaire les investisseurs. Amnistier serait un très mauvais message adressé « aux investisseurs internationaux qui peuvent créer de l’emploi dans notre pays », a plaidé Pierre-Yves Le Borgn’, député de la 7e circonscription des Français de l’étranger (Allemagne, Europe de l’Est et Balkans). « Mes patrons américains regardaient toujours le cadre social français avec circonspection », a expliqué cet ancien juriste international. Il s’agit donc bien de plaire à certains patrons.

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