À Bure, le débat bien enfoui

Fin mai, les opposants au stockage des déchets sont parvenus à empêcher la tenue d’une première réunion.

Patrick Piro  • 13 juin 2013 abonné·es

Les antinucléaires pourraient bien avoir enseveli le « débat public » sur l’enfouissement des déchets radioactifs. Au moins pour quelques mois. Le 23 mai, deux cents d’entre eux sont parvenus à empêcher la tenue de la première des réunions publiques, qui devait avoir lieu à Bure et dont l’objectif était de débattre du projet de création, sur cette petite commune de la Meuse, d’un centre de stockage géologique (Cigéo) où serait confinés de manière définitive des milliers de tonnes de déchets nucléaires dans une couche d’argile très stable à 480 mètres sous la surface.

Si les opposants dénoncent un projet « dangereux » depuis longtemps, leur colère se focalise actuellement sur la tenue de la Commission particulière du débat public (CPDP) lancée pour l’occasion, et qu’une quarantaine d’associations (dont le réseau Sortir du nucléaire) ont appelé à boycotter. Alors que les organisateurs – le préfet Claude Bernet en tête, président de la CPDP – jurent que « tout n’est pas décidé », les anti estiment que le processus est « bidon »  : un laboratoire « expérimental » a été créé en 2000 sur le site, et tout indique, selon eux, que le débat public est destiné à faire passer la pilule de sa mue en « Cigéo ». La hâte avec laquelle a été organisé le débat cache mal en effet les intérêts de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et du gouvernement. Même si le stockage n’est pas supposé avoir lieu avant 2025, les délais de construction et d’autorisation (qui nécessiteront notamment le vote d’une loi) les ont poussés à bâcler la CPDP.

C’est notamment ce qui ressort d’un avis sévère de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : si elle ne remet pas en cause le projet, elle relève des « incertitudes résiduelles » sur l’homogénéité de la couche d’argile ainsi que le grand flou concernant la quantité de déchets à stocker. En effet, le débat national sur la transition énergétique peut influer sur le calendrier de fermeture et de démantèlement des centrales, avec une incidence considérable sur le volume de déchets à stocker à terme. La Commission nationale du débat public (CNDP, qui chapeaute les différentes CPDP en cours) a décidé d’ajourner sine die les réunions de la CPDP Cigéo. Une réunion est prévue avec les parties prenantes pour trouver une issue, mais il semble difficile de relancer le processus avant le vote, à l’automne, de la loi sur la transition énergétique.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal
Reportage 26 novembre 2025

En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal

Près de 80 % des activités liées à l’extraction illicite de l’or en Guyane se concentrent sur le Haut-Maroni. Depuis la rive surinamienne, les garimpeiros – orpailleurs clandestins – ont édifié un système bien huilé pour exploiter le sol français.
Par Tristan Dereuddre
Orpaillage : le mercure, un poison pour la terre et les humains
Reportage 26 novembre 2025 abonné·es

Orpaillage : le mercure, un poison pour la terre et les humains

En fin de processus d’extraction, les orpailleurs illégaux utilisent de grandes quantités de mercure pour séparer la terre de l’or. Hautement toxique, ce métal lourd contamine non seulement l’environnement mais aussi les peuples du fleuve Maroni.
Par Tristan Dereuddre
Au Chili, sur l’île de Robinson Crusoé, comment la pêche est restée durable
Reportage 19 novembre 2025 abonné·es

Au Chili, sur l’île de Robinson Crusoé, comment la pêche est restée durable

Perdu au milieu du Pacifique à 670 kilomètres des côtes chiliennes, l’archipel mondialement connu pour avoir inspiré le célèbre roman de Daniel Defoe est aussi un bijou de biodiversité marine que ses habitants ont su conserver depuis plus d’un siècle. Au contraire des ressources terrestres, qui se trouvent dans un état alarmant.
Par Marion Esnault
COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »
Carte blanche 17 novembre 2025

COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »

En Équateur, les conséquences sanitaires l’exploitation d’hydrocarbure, qui pollue l’air et les eaux, sont connues depuis des décennies. Leonela Moncayo, 15 ans, mène un combat contre ces torchères avec les Guerrières de l’Amazonie. Témoignage.
Par Patrick Piro