Nitrates : la France en accusation

La Cour de justice européenne dénonce la pollution de nos eaux.

Claude-Marie Vadrot  • 20 juin 2013 abonné·es

L’enquête publiée par Politis  [^2] sur les failles du contrôle de la qualité des eaux vient d’être confortée par une condamnation prononcée par la Cour de justice européenne… et dans une publication du ministère de l’Écologie [^3]. Le Commissariat général au développement durable, qui dépend de la ministre de l’Écologie, Delphine Batho, souligne l’augmentation ou le niveau toujours trop élevé de la teneur en nitrates des nappes souterraines en métropole. On y lit que « la fertilisation par l’épandage d’engrais chimiques ou azotés et l’élevage intensif en constituent la cause principale ». Après avoir rappelé que « l’excès d’azote met en moyenne 10 à 20 ans pour atteindre une nappe à 20 mètres de profondeur », les spécialistes du ministère estiment qu’il faut entre 20 et 40   ans pour que la pollution des nappes, en azote ou autres produits phytosanitaires, régresse. La concentration naturelle d’une nappe en nitrates doit être inférieure à 10   mg/l, mais, toutes nappes confondues, elle atteint la moyenne de 23   mg/l sur le territoire. Chiffre qui reflète « de fortes disparités régionales ».

Les statistiques l’illustrent : en   2011, les concentrations de nitrates rendent l’eau impropre à la consommation (teneurs supérieures à 50 mg/l) dans 11   % des nappes, souvent les plus vastes. La dernière analyse, suivant les recommandations d’une directive européenne de   1991, fait apparaître que 19 840 communes françaises sont «   vulnérables   » à la pollution agricole. Soit plus de la moitié de la surface cultivable du territoire et 1   440 communes supplémentaires touchées depuis un an. La situation justifie que la Cour de justice de l’Union européenne ait rendu, le 13   juin, un arrêt constatant les insuffisances de la politique française de lutte contre la pollution et « la sous-estimation des zones vulnérables ». Ce jugement peut entraîner une amende de plusieurs dizaines de millions d’euros, éventuellement augmentée d’astreintes journalières tant que la mise en conformité ne sera pas constatée par les inspecteurs européens. Lesquels commencent à s’impatienter du retard pris par la France depuis des années. Un retard qui s’explique par la pression de la FNSEA, refusant d’obtempérer aux « conseils » des ministres de l’Agriculture et de l’Écologie, parfois avec la complicité d’élus locaux, notamment en Beauce et en Bretagne. Preuve de cette inertie des élus de droite et de gauche envers la pollution agricole : le retour des algues vertes. Début juin, elles ont envahi le littoral des Côtes-d’Armor et de Douarnenez, dans le Finistère.

[^2]: Voir Politis n° 1256, du 6 juin.

[^3]: Le Point sur, n° 161, commissariat général au Développement durable.

Écologie
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