Dépasser l’impuissance politique

La revue Vacarme se désole des renoncements de la gauche au pouvoir et appelle au combat.

Olivier Doubre  • 4 juillet 2013 abonné·es

«Pour commencer, comment on se sent ? Pas bien. Presque un peu mort. Nous, à Vacarme, on a perdu sur tous les plans. » Et d’égrener les principaux reniements du gouvernement socialiste : la réforme vers une fiscalité plus juste, le mariage ouvert aux couples de même sexe, certes, « mais sans la PMA », la licence globale, la réforme « raisonnée et raisonnable » de la prohibition des drogues, le revenu garanti, etc. Depuis l’automne 2011 et l’arrivée de sa nouvelle formule (au format d’un élégant livre de poche), l’excellente revue Vacarme ouvre chacune de ses livraisons par un texte collectif, signé par des membres de son comité de rédaction, qui se veut une prise de position sur une question d’actualité politique, économique ou sociétale. Après un appel à la légalisation des drogues face à l’échec de la prohibition, un texte sur les « fronts de la gauche » ou, à l’hiver 2012, à la veille de l’élection présidentielle, sur l’exigence de voter – contre Sarkozy –, l’équipe de Vacarme s’interroge aujourd’hui sur ce « sentiment désolant d’impuissance politique et personnelle », sans doute rarement autant ressenti à gauche qu’aujourd’hui. Non sans se mettre directement en cause, dans une « autoanalyse ».

Depuis mai 2012, donc, l’impuissance nous ronge. Face à l’impuissance sans cesse invoquée par les pouvoirs : « Les politiques se légitiment d’une impuissance économique que les économistes ne peuvent assumer qu’en tant qu’impuissance politique. » Or, insistent les auteurs, « les économistes minimalement sérieux et progressistes désespèrent depuis toujours de toute solution proprement économique, […] parce que, si l’économie se veut une science, elle n’a aucune norme à édicter sur le réel commun, c’est aux politiques de décider ce qu’ils veulent »  ! On est évidemment loin du compte, notamment en ces temps « de basses eaux », de perte de la « croyance dans l’action politique ».

Mais ce texte de Vacarme, au lieu de jeter l’éponge, appelle au contraire au refus et au combat, à la fois contre cette impuissance invoquée par les gouvernants, mais aussi contre notre propre sentiment d’impuissance, « violence sourde et progressive qui enserre et immobilise l’individu ». Il s’agit de continuer à penser, à aiguiser les armes de la critique, pour se constituer un arsenal prêt à être utilisé le jour où on aura décidé de « ne plus céder devant la peur du combat et de la mort ». Et de citer en exemple le peuple syrien qui a osé dépasser « la muraille de la peur ». On trouvera aussi dans ce numéro un texte de la sociologue des drogues Anne Coppel, « Policiers contre dealers, comment en sortir ? », un dossier sur la Corse qui tente de dépasser les clichés, un entretien passionnant avec le philosophe Heinz Wisman…

Idées
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