Gauche du PS : la pression monte

Rassemblée dans les Landes fin septembre, la tendance de Benoît Hamon veut « gauchir » l’action du gouvernement. Vain espoir ou amorce de reconquête ?

Pauline Graulle  • 3 octobre 2013 abonné·es

Sinon une résurrection, un réveil. L’année dernière, l’université de rentrée de l’aile gauche du PS, organisée en toute discrétion à Paris, s’achevait sur un « tous derrière Hollande » faisant craindre pour la survie du courant de Benoît Hamon, fraîchement nommé ministre.

Ce week-end, le rassemblement annuel d’Un monde d’avance (UMA) avait repris du poil de la bête. Il retrouvait ses terres landaises, sa figure historique – Henri Emmanuelli, excusé l’an dernier pour cause de Fête du foie gras ! – et son folklore, la course de vachettes du samedi soir. Mais aussi, contexte aidant, son esprit rebelle. Pendant trois jours, la halle des sports de Vieux-Boucau a bruissé d’indignation contre les propos « fascisants » (le mot est lâché par Stéphane Delpeyrat, membre du bureau national du PS) de Manuel Valls sur les Roms. Et, malgré leurs interventions plutôt consensuelles, la présence de trois ministres, Christiane Taubira, Arnaud Montebourg et Kader Arif, chez les non-alignés du PS, en disait long sur le malaise à gauche. Un an après l’installation d’Harlem Désir à Solférino, les militants d’UMA déplorent un parti « démobilisé », devenu une « agence de presse qui envoie communiqué sur communiqué pour se féliciter des choix du gouvernement », décrit Tania Assouline, du bureau national. Un parti tellement fermé au débat qu’il « ne faudra pas se plaindre, ensuite, de l’éclatement de la gauche », avertit Guillaume Balas, secrétaire général d’UMA. « Le PS a décidé de recentrer la vie politique sur la rue de Solférino. Il ne prépare même pas les échéances municipales », rapporte Renaud Lagrave. Le premier fédéral des Landes s’inquiète du score inédit (46,4 % des voix) réalisé par le Front national lors de la législative partielle organisée en juin, non loin d’ici, dans le fief de Jérôme Cahuzac. Un prélude à ce qui se prépare pour le printemps prochain ? Ainsi, Pascal Cherki, maire du XIVe arrondissement de Paris, a beau se réjouir de tout le « pognon » injecté dans les finances de l’Éducation nationale et reconnaître que la conjoncture n’est « pas simple », la désillusion est forte. Offensif à la tribune, Benoît Hamon prend publiquement à partie son collègue de l’Intérieur. Et voit dans le Traité transatlantique rien de moins que la fin de l’Europe. On tire aussi à boulets rouges sur le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et ses 20 milliards d’euros offerts aux entreprises sans contrepartie : « C’est n’importe quoi, s’énerve Pascal Cherki. C’est du gaspillage d’argent public qui pourrait servir à payer les retraites. »

La réforme Ayrault, justement, fait bondir la plupart des participants. « Cette réforme des retraites entérine toutes celles qu’on a combattues et ouvre de fait la voie à un système par capitalisation », pointe un jeune militant. Monique, un demi-siècle de militantisme à la gauche du PS, s’étrangle : « On a été bafoués ! Dans les sections, les militants sont déboussolés. Il est où, le discours du Bourget ? » Certes avec une infinité de nuances, tout le monde ici s’avoue « déçu » par le début de mandat de Hollande. Mais comment peser dans la balance quand UMA ne compte que vingt députés à l’Assemblée ? Et qu’en dépit de quelques gages consentis à l’aile gauche (comme le volet « pénibilité » de la réforme des retraites), le gouvernement continue de la snober superbement ? L’an dernier, Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj et Emmanuel Maurel s’émancipaient d’Un monde d’avance. Déposant une motion au Congrès de Toulouse, ils fondaient un courant à la gauche d’UMA, jugé trop mou. Dorénavant invité de l’université de rentrée, où il est visiblement toujours autant apprécié, le député de l’Essonne Jérôme Guedj estime que « les faits  [leur] ont donné raison »  : «   Vous imaginez si un tiers de la gauche s’était rassemblé derrière notre motion ? » « À quoi la motion a-t-elle servi ? », s’interroge au contraire Guillaume Balas. Ni l’un ni l’autre n’envisagent pour autant la rupture avec la majorité. La « stratégie du recours » portée par l’ancien camarade Mélenchon, qui mise sur la défaite de François Hollande, est vilipendée : « Quand Hollande perd des points, ça ne bénéficie pas au Front de gauche mais au Front national, il ne faut pas que la gauche s’affaiblisse trop, c’est se tirer une balle dans le pied », analyse un militant du 93. « La crédibilité du Front de gauche, elle est indexée sur la nôtre », martèle Benoît Hamon. La gauche de Mélenchon « ne peut rien sans la nôtre ». Pas question, donc, de ne pas voter le budget 2014, pourtant sévèrement critiqué. « Aller au clash, ça se prépare, et il faut qu’il y ait derrière un débouché politique », plaide Jérôme Guedj, pour qui la Ve République, avec son « satané parlementarisme rationalisé qui conduit soit au baroud d’honneur, soit au conflit majeur », est la mère tous les maux. Quant à la sortie de Benoît Hamon du gouvernement, elle n’est même pas envisagée.

Au final, UMA* *se contentera donc de poursuivre sa stratégie de l’amendement. Et de crier plus fort. Dans le désert ? « Du Front de gauche au centre en passant par les écolos, on ne pourra peser que si on avance ensemble. Et cela doit se faire autour d’un projet commun : le nouveau modèle de développement », estime Guillaume Balas, qui renvoie, comme un signal encourageant, à la récente pétition lancée par UMA et signée par 80 parlementaires pour réclamer une CSG progressive. Samedi midi, on célébrait donc l’unité autour d’un confit de canard dans une brasserie de Vieux-Boucau. Arnaud Montebourg et François de Rugy attablés côte à côte, en face de Jérôme Guedj, Benoît Hamon, Henri Emmanuelli… Au menu des discussions : ni le nucléaire ni le diesel, mais la corrida. Avec un Montebourg qui imite Sarkozy : « Les écolos, ça commence à bien faire ! », se marre-t-il. L’unité, ce n’est pas encore gagné.

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