L’initiateur de la «marche pour l’égalité» refuse d’accueillir le ministre de la Ville

Erwan Manac'h  • 14 octobre 2013 abonné·es

C’était la première célébration officielle de la « Marche pour l’égalité et contre le racisme ». Ce lundi, le ministre délégué à la Ville, François Lamy, s’est rendu aux Minguettes, à Vénissieux (Rhône), où le mouvement est né au cours de l’été 1983.

«On ne peut nier que l’action des marcheurs de 1983 a provoqué une prise de conscience», a jugé le ministre, qui a débloqué 455 000 euros pour soutenir les initiatives commémorant la marche.

«Il y a 30 ans, ils ont marché, aujourd’hui nous devons nous remobiliser» , a-t-il lancé, en pointant les difficultés sur «la situation sociale, les discriminations et l’exclusion» .

L’initiateur de la marche, Toumi Djaïdja, qui devait rencontrer le ministre délégué, a quant à lui décliné in extremis l’invitation en lançant une missive, par voie de presse : « Je ne peux cautionner l’inaction politique en signant un chèque en blanc au gouvernement » , lance le président d’honneur de l’association Vigilance Vénissiane, dans un communiqué publié ce lundi matin.

« Si certains cherchent à capter l’héritage et la sympathie suscités par la Marche à travers cette commémoration, cela ne peut se faire à moindres frais. La commémoration doit être un moment fort où des décisions politiques courageuses et concrètes sont prises (…) »

Selon une source officielle, interrogée par l’AFP, M. Djaïdja a décliné la rencontre après avoir réclamé en vain que son nom figure sur une plaque commémorative en l’honneur de la « Marche pour l’égalité » que François Lamy devait inaugurer en fin de matinée.

Celui-ci a reconnu avoir fait cette demande « parce que la jeunesse a besoin de symboles » , indique l’AFP, mais il a assuré qu’ « avec ou sans la plaque » , il aurait transmis son communiqué.

Lire le communiqué de Toumi Djaïdja en intégralité :

« Acte de désobéissance civique, pourquoi je ne reçois pas M. Le Ministre François Lamy ? »

Récupération ou reconnaissance de « La Marche pour l’égalité »?

Dans ce contexte de commémoration des 30 ans de » La Marche pour l’égalité », je me vois dans l’obligation de sortir de ma réserve. Pendant 30 ans j’ai nourri l’espoir que l’égalité soit le chantier permanent de la République celle à laquelle nous aspirons tous. Mais aujourd’hui force est de constater, malgré des avancées certaines, l’inégalité frappe toujours voire plus encore.

Je parle de ces femmes et de ces hommes sacrifiés sur l’autel des inégalités. Beaucoup d’entre nous vivent dans des conditions inadmissibles, laissés non pas sur le bas-côté de la route mais dans le fossé des inégalités: le mal-logement, l’exclusion, la paupérisation, la marginalisation. Si ce système continue tel quel, il est à parier qu’il court à sa perte. Je suis comme des millions de nos concitoyens une victime de la guerre sociale.

La Marche pour l’égalité doit s’inscrire dans l’histoire commune pour rappeler que la République ne doit laisser aucun répit à la lutte pour le droit à la dignité, le droit pour la non-discrimination.

Je ne peux cautionner l’inaction politique en signant un chèque en blanc au gouvernement.

Si certains cherchent à capter l’héritage sympathie suscité par la Marche à travers cette commémoration, cela ne peut se faire à moindre frais. La commémoration doit être un moment fort où des décisions politiques courageuses et concrètes sont prises pour que l’histoire de nos quartiers populaires s’inscrivent dans l’histoire de notre pays.

Nous savons la rupture de la transmission, ses conséquences et ses enjeux. Il nous faut nous construire une histoire commune partagée par le plus grand nombre pour que vive la mémoire. Nous savons que l’histoire c’est la projection, que ce qui manque à notre jeunesse c’est l’identification projective vitale à sa construction. Mais comment cela est-il possible si l’histoire est amputée? Là où est née cette marche dans ce quartier des Minguettes, la jeunesse ne peut relater cette histoire.

Après l’espoir qui a porté les électeurs, c’est dans l’isoloir que chaque citoyen devra prendre sa responsabilité.»


  • Retrouvez jeudi dans Politis n°1273 notre dossier «Tour de France des quartiers, trente ans après la marche pour l’égalité»
Société
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