Françoise Castex: « Le travail accompli compte pour rien ! »

L’investiture des députés PS aux prochaines européennes fait des victimes. Interview avec une eurodéputée méritante sacrifiée sur l’autel de la politique politicienne.

Pauline Graulle  • 18 novembre 2013
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Françoise Castex:  « Le travail accompli compte pour rien ! »
Photo: © Union européenne 2012

Françoise Castex, membre du courant Un monde d’avance , figure parmi les eurodéputés socialistes les plus actifs au parlement européen. Fervente défenseuse des services publics, elle est aussi l’une des première à s’être élevée contre la loi ACTA, dénoncée par les défenseurs de l’Internet libre. L’an dernier, elle avait été la seule dans la délégation des socialistes français à voter contre le grand marché transatlantique. Mais comme Liêm Hoang-Ngoc, député européen lui aussi proche de Benoît Hamon, Françoise Castex ne figurera pas sur les listes du PS aux européennes de mai 2014. Dans le grand Sud-Ouest, où elle avait été élue en 2004 et 2009, le PS a choisi de donner la tête de liste à une femme PRG.

Politis : Comment expliquez-vous que vous n’ayiez pas été investie par le PS pour les prochaines Européennes ?
Françoise Castex : La constitution des listes aux Européennes ne répond pas à une logique concertée, globale du parti, qui consisterait à reconduire les élus qui tiennent des dossiers importants… Certains courants le font. Par exemple, Pervenche Berès [proche de Laurent Fabius, ndlr] est reconduite – et c’est légitime – après quatre mandats parce qu’elle est reconnue pour son travail dans le secteur économique et monétaire. Moi je n’ai pas été soutenue par Un monde d’avance qui a préféré par exemple avoir Guillaume Balas en numéro 3 à Paris.

En d’autres termes, Un monde d’avance vous a « échangée » contre Guillaume Balas…
Trivialement, oui… Cette stratégie de courant n’a rien à voir avec une stratégie électorale pour la campagne européenne, ni avec une stratégie d’influence au Parlement européen, ni à une stratégie d’efficacité du travail des parlementaires. Résultat, tout le travail que j’ai accompli au Parlement ne compte pour rien ! Personne ne prend en compte le travail qu’il faut pour s’imposer au Parlement européen, faire avancer un dossier, etc. Par exemple, j’ai récemment travaillé sur les questions de droits d’auteur. C’est un sujet difficile si on veut défendre notre vision française selon laquelle une partie du droit d’auteur est reversée dans la création et la diffusion… Or au prochain mandat, il y a une révision de la directive cadre sur la propriété intellectuelle et le droit d’auteur, et j’étais bien placée pour être rapporteur sur ce dossier. Résultat, avec mon départ, la France va perdre sa position sur le sujet au Parlement…
Pour Liêm, c’est pareil : il est en train de rédiger un dossier extrêmement important sur la Troïka, et il était bien placé, au prochain mandat, pour être le porte-parole des socialistes sur les questions économiques et monétaires. C’est du gaspillage de compétences acquises. Je ne dis pas que ceux qui vont arriver sont moins compétents que nous. Mais au parlement européen, la compétence s’acquiert avec le temps : on ne peut pas être un député européen efficace dès le premier mandat.

Jeudi 21 novembre, les militants socialistes sont appelés à voter pour valider les listes. Pourriez-vous être « sauvée » par ce vote ?
Dans ma circonscription, je crois que ce vote va être très défavorable à la liste qui est proposée. Reste qu’il n’y a pas, dans l’histoire, d’exemples de modification par ce vote des décisions du parti dans la désignation des députés européens. Le PS est arrivé à un équilibre où personne n’est complètement satisfait, mais où faire bouger quelque chose pourrait conduire à rouvrir l’ensemble des discussions. C’est un risque que le PS ne prendra pas…

Qu’allez-vous faire maintenant ? Allez-vous quitter Un monde d’avance ?
C’est un peu tôt pour répondre… Je suis encore un peu sonnée… Pour l’instant, je vais me concentrer sur mon travail de députée, que je suis encore pour six mois. J’ai des dossiers en cours au Parlement, et les gens comptent sur moi. Ensuite, je ne sais pas… Je n’ai pas encore de pistes d’atterrissage, ni de second mandat. Je suis favorable au mandat unique pour les parlementaires, et surtout pour les parlementaires européens, qui doivent être à 100 % à la tâche. Si on veut à la fois bien travailler au parlement, militer à l’intérieur du parlement, ce que j’ai fait par exemple, pour les services publics, et être présents sur notre circonscription pour faire de la pédagogie, il faut s’y consacrer pleinement.

A l’intérieur d’Un monde d’avance, vos camarades vous soutiennent-ils ?
Je ne sais pas encore…

Politique
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