Martin Hirsch : Une dose de social pour l’hôpital ?

Nommé le 13 novembre à la tête des hôpitaux de Paris, Martin Hirsch est très attendu sur les inégalités d’accès aux soins et les projets de restructuration à quelques mois des municipales.

Ingrid Merckx  • 21 novembre 2013 abonné·es

«Il est sympa et il est sincère. » Voilà ce qui se dit dans les couloirs de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à propos de Martin Hirsch. L’institution hospitalière est dans un tel marasme qu’on lui pardonne son « passage chez Sarkozy »  : « Il est resté Haut Commissaire, il n’a pas accepté de poste de ministre… » On passe aussi sur le ratage du RSA : « Ce n’est pas raté pour tout le monde. » Surtout, celui qui vient d’être nommé à 50 ans à la tête de l’AP-HP a fait ses études de médecine à l’hôpital Cochin et un DEA de neurobiologie avant d’intégrer Normale sup, l’ENA et le Conseil d’État. En 1995, Martin Hirsch a dirigé la pharmacie centrale des hôpitaux. Il a été chef du cabinet de Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État à la santé, et conseiller santé de Martine Aubry quand elle était ministre de l’Emploi. En parallèle, il a créé l’Agence de sécurité sanitaire des aliments et vice-présidé l’Association de recherche sur le cancer (ARC). Il a le profil parfait du haut fonctionnaire mais campe aussi un connaisseur des inégalités de santé et s’affiche comme spécialiste des conflits d’intérêts.

Mireille Faugère, qui a précédé Martin Hirsch, était la chef d’entreprise par excellence : diplômée d’HEC, ayant fait une bonne partie de sa carrière à la SNCF, elle avait été accueillie par des grimaces. Comme le symptôme d’une communauté médicale déliquescente qui perd le pouvoir face à des directeurs maniant mieux la calculette que le Vidal. « Madame Faugère aura géré l’AP-HP avec les outils du management d’entreprise mis en œuvre par la loi HPST : communication et marchandisation », affirment André Grimaldi et Bernard Granger dans un communiqué du Mouvement de défense de l’hôpital public daté du 14 novembre.

Dans ce contexte, Martin Hirsch est un soulagement. On aime son sourire, son CV, son côté « pas révolutionnaire mais convaincu ». Ce dont sa lettre aux personnels témoigne : « Nous ferons la preuve de notre capacité à nous retrouver dans un projet collectif qui porte haut et fort les valeurs du service public hospitalier […]et du progrès médical, auquel l’AP-HP, dans ses composantes de soin, de recherche et d’enseignement, apporte une contribution irremplaçable. » « Un homme de dialogue », répète-t-on. Un stratège aussi. Sa première visite de directeur général, le jour de sa prise de fonctions, Martin Hirsch ne la fait pas à l’Hôtel-Dieu, la poudrière du moment, ni à Necker, le fleuron des hôpitaux de Paris. Mais à Avicenne, l’hôpital des immigrés, en pleine ceinture rouge. « A-t-il été nommé pour s’occuper des pauvres ?, interroge un enseignant de la fac de médecine de Paris-VI. Permettra-t-il à l’hôpital de retrouver sa fonction sociale ? » Si les patients y restent globalement bien soignés, l’AP-HP a perdu de son hospitalité. La T2A, fameuse « tarification à l’activité », y est pour beaucoup. « On n’y garde que les pathologies graves. C’est compréhensible pour des raisons budgétaires, mais où vont les autres patients ? » Martin Hirsch a présidé Emmaüs France de 2002 à 2007, que fera-t-il des familles sans abri qui se réfugient la nuit dans les campus hospitaliers ? Il y a les dossiers visibles : l’Hôtel-Dieu (1), où il va surtout servir d’arbitre ; et la T2A, qui devrait avancer vers un système mixte : paiement à l’acte ou forfaitaire. Mais les autres, comme la recomposition des compétences professionnelles ou l’évaluation de la qualité des soins ? L’APHP, c’est 37 hôpitaux – défendus comme des couleurs de maillot –, 92 000 salariés, 7 millions de patients et 7 milliards de budget. Une énorme machine confrontée à de grosses restructurations sur fond de crise du système de santé.

L’arrivée de Martin Hirsch quelques mois avant les municipales est loin d’être anodine. Si l’Agence régionale de santé ou la Fédération hospitalière de France n’ont pas encore commenté sa nomination, les têtes de liste parisiennes se sont précipitées : Anne Hidalgo (PS) a réclamé « une large concertation » et Nathalie Kosciusko-Morizet de la « transparence sur l’absorption des urgences par d’autres sites ». Anne Hidalgo en a profité pour mettre l’accent sur ses priorités : accroître les moyens des urgences parisiennes et créer des centres et des maisons de santé, notamment dans les quartiers populaires. NKM a annoncé qu’elle mettrait fin « à la politique de sabordage du patrimoine de l’AP-HP » et qu’elle en présiderait le conseil de surveillance. « Le limogeage de la directrice générale de l’AP-HP apparaît plus comme une décision d’opportunité avant les municipales que comme la conclusion logique d’une réorganisation pour la mise en œuvre d’une stratégie territoriale de Santé », estiment quant à eux André Grimaldi et Bernard Granger. Alors, cette nomination : prestige ou punition ?

Société Santé
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