Quelle transition écologique ?

La priorité est donnée aux mécanismes de marché.

Geneviève Azam  • 16 janvier 2014 abonné·es

La direction générale du Trésor et le Commissariat au développement durable ont publié un livre blanc sur le financement de la transition écologique [^2]. C’est une question clé qui conditionne à la fois la nature de la transition, son efficacité écologique et l’acceptabilité des mesures au regard de la justice sociale. Ce n’est donc pas un sujet technique et comptable, il reflète et engage des choix politiques.

Ce livre blanc a pourtant de quoi laisser perplexe, au bas mot. La transition écologique est envisagée seulement à partir des enjeux économiques, ceux des coûts et de la compétitivité. Elle « recouvre tout processus de transformation de l’économie visant à maintenir ces ressources et régulations en deçà de seuils critiques pour la viabilité de nos sociétés ». C’est pourtant la transformation de la société qui est en jeu. De ce fait, le maintien des équilibres écologiques apparaît comme un dérivé du processus économique, voire comme une ressource au « même titre que le capital et le travail ». Cette réduction économiciste explique certainement l’absence, dans ce rapport, du travail et de l’impact de la transition sur l’emploi ! Il s’agit en effet seulement de « prendre en compte les effets sociaux et sociétaux » des choix économiques, au lieu de faire de la justice sociale – notion absente de ce rapport – et des limites écologiques des leviers pour la transition.

Ce livre blanc est beaucoup plus réducteur que le rapport du CESE en 2013 ^3, qui identifiait la transition écologique comme un projet politique majeur. Il ignore superbement les quelques avancées du débat sur la transition énergétique. Le rôle de l’État est ainsi défini : «   Les États n’ont ni la vocation ni la capacité, à eux seuls, d’assurer financièrement la transition écologique. Il s’agit donc avant tout d’orienter les choix d’investissement, de consommation et d’épargne des acteurs économiques (ménages et entreprises) dans un sens favorable à la préservation de l’environnement par des signaux adaptés. » C’est pourquoi le rapport, qui pourtant souligne à plusieurs reprises la gravité de la situation écologique, réduit l’action de l’État à « une mobilisation sélective des financements publics, ciblée sur les obstacles à une meilleure contribution du marché aux enjeux de la transition écologique ». Son engagement se limite finalement à garantir la rentabilité des investissements et à mettre en place des signaux-prix stables pour orienter l’investissement, donnés par l’évaluation des pollutions, des pertes en biodiversité, plus globalement des services écosystémiques. Pour ce faire, et malgré l’affirmation d’un renforcement de la fiscalité écologique, la priorité est donnée aux mécanismes de marché, qu’il s’agit d’améliorer, notamment face à la débâcle du marché européen du carbone.

Si, effectivement, une économie et une société administrées ne sont pas souhaitables, à la fois pour des raisons démocratiques et d’efficacité écologique, l’impulsion de l’État est nécessaire. Au lieu de cela, la transition écologique, assimilée à « une assurance pour l’avenir », s’inscrit dans le paradigme pauvre de l’économie financière. 

[^2]: La consultation publique est clôturée depuis le 15 janvier, www.developpement-durable.gouv.fr/Le-livre-blanc-sur-le-financement,35714.html

[^3]: www.lecese.fr/travaux-du-cese/travaux-publies 

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