Changement de stratégie pour le Parti de gauche

Le parti récuse que la solution soit dans le rassemblement de la gauche. Tirant les leçons des scrutins du printemps, il veut « fédérer le peuple ».

Michel Soudais  • 28 août 2014 abonné·es
Changement de stratégie pour le Parti de gauche
© Photo : Michel Soudais

Foin d’hypocrisie. Dimanche, en clôture du Remue-méninges du Parti de gauche (PG), Jean-Luc Mélenchon n’a pas caché se préoccuper de 2017. « En démocratie, on doit s’occuper des élections. C’est un devoir de penser ce qui va se passer », a-t-il justifié. Et ce que lui et ses amis veulent conjurer, c’est une réplique, en pire, des élections européennes : « Que la masse immense du peuple, ne voyant rien venir qui puisse changer la vie, dise : “Nous nous en désintéressons.” »

Après s’être montré affecté par le résultat des élections européennes, il affirme avoir été frappé par le fait qu’à ce scrutin les Français ont « massivement décidé » de laisser Marine Le Pen gagner alors que « la presse annonçait sa victoire sur tous les tons ». Lui et ses amis décèlent dans cette abstention massive (60 %) « une insurrection froide » qui n’a pas épargné le Front de gauche. Face à cette situation qui pourrait voir la présidente du Front national accéder au second tour de la présidentielle, le PG récuse que la solution soit dans le rassemblement de la gauche. « Si nous suivions ce conseil, nous ne ferions qu’aggraver le mal », avertit Jean-Luc Mélenchon, assurant que son parti n’a « aucune intention de  [se] rassembler, ni aujourd’hui ni demain, avec M. Hollande ou M. Valls ». Lesquels sont tenus pour « responsables du désastre civique » observé au printemps, du fait de leur « politique absurde qui nous mène dans le mur ». « Les gens disent : “la gauche et la droite, c’est pareil”. Ça me crève le cœur d’entendre ça… mais c’est la vérité », avait-il déclaré la veille au cours d’une conférence de presse. Sur les retraites ou le montant des cadeaux aux entreprises, « M. Hollande est pire que M. Sarkozy ».

Pour éviter de couler avec eux, le PG entend s’en démarquer au maximum. Et joue plus que jamais la carte de l’autonomie. S’il n’est pas question d’abandonner le Front de gauche – « Ce n’est pas nous qui allons le détruire, nous l’avons créé », a rappelé Jean-Luc Mélenchon –, le PG n’entend pas rester l’arme au pied en attendant que celui-ci clarifie sa stratégie après les divergences affichées lors des municipales. Pas question non plus de se contenter « d’aller d’un colloque à l’autre » avec tous ceux qui, à gauche, critiquent la politique du gouvernement. Cela n’aboutirait qu’à étaler « le spectacle de gens qui ne sont bons qu’à parler », estime Jean-Luc Mélenchon, qui veut « agir ». Avec 2017 pour horizon. « Si nous n’arrivons pas à mettre le peuple en mouvement, le pire est à craindre », avertit l’ancien candidat du Front de gauche à la présidentielle. C’est dans cette optique qu’il envisage de se « porter en pointe » dans le combat pour la VIe République, un des thèmes forts de sa campagne de 2012, et qu’il avait déjà porté au sein du PS dès le début des années 1990. « Changer la règle du jeu », c’est-à-dire la Constitution, est à ses yeux « le plus grand dénominateur commun » des Français mécontents de voir que leur vote ne sert à rien, que les politiques menées ne changent pas.

Dans ce but, le PG a procédé à Grenoble à une réorganisation de sa direction. Entre des séances de formation militante sur l’écosocialisme, la transition énergétique, la nation et l’internationalisme, l’extrême droite ou l’histoire du mouvement syndical, des débats sur le grand marché transatlantique, la Palestine, la réforme territoriale ou le manifeste écosocialiste, le bureau national a voté à l’unanimité la fin de la coprésidence qu’exerçaient Jean-Luc Mélenchon et Martine Billard. Ils ne seront pas remplacés, un secrétariat national d’une vingtaine de membres assumant la direction au quotidien. Dégagé de cette fonction, et désormais « hors-cadre », le député européen veut créer un « mouvement pour la VIe République » qui rassemble « tous ceux qui veulent cette république de progrès et de prise du pouvoir par les citoyens ». Martine Billard, quant à elle, va se consacrer à l’animation et à l’organisation d’un réseau international de formations écosocialistes. « Nous changeons notre dispositif pour l’adapter à une nouvelle stratégie », a expliqué Jean-Luc Mélenchon, niant l’existence d’une crise dans son parti. Une stratégie qu’il résume d’une formule empruntée au mouvement espagnol Podemos, dont plusieurs représentants étaient à Grenoble : « Le système n’a pas peur de la gauche qui lui mange dans la main, le système a peur du peuple. »

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