Irak : Ceci n’est pas une guerre

Le Parlement français devait débattre le 24 septembre d’une intervention commencée cinq jours plus tôt. Une mauvaise habitude.

Denis Sieffert  • 25 septembre 2014 abonné·es
Irak : Ceci n’est pas une guerre
© Photo : AFP PHOTO / ECPAD / JEAN-LUC BRUNET

Puisqu’il est beaucoup question ces temps-ci de la crise institutionnelle de notre pays, en voici une nouvelle démonstration. Les parlementaires ont été invités à débattre de l’engagement français en Irak au cours de la séance de ce mercredi 24 septembre, alors que les opérations impliquant notre pays avaient débuté cinq jours auparavant. Un tel déni de démocratie est une mauvaise habitude. En 1991, en Irak déjà, et en 2011, en Libye, députés et sénateurs avaient été informés, sinon consultés, à retardement. La manœuvre est hélas tout ce qu’il y a de plus constitutionnelle. En effet, l’article 35 de la Constitution ne fait obligation au gouvernement de consulter le Parlement qu’en cas de déclaration de guerre. Il suffit donc de décider que ceci n’est pas une guerre.

Indépendamment du fond de ce conflit, cette mise à l’écart des élus de la République dans une circonstance aussi grave est plus que fâcheuse. D’autant plus que, même si on considère qu’une intervention militaire de la coalition est devenue inévitable, aucun volet politique n’est véritablement envisagé. Hormis la formation d’un nouveau gouvernement en Irak ouvert à la communauté sunnite (on sait que son exclusion par les États-Unis depuis 2003 explique en partie l’essor de l’État islamique), la question syrienne reste entière. Elle-même relancée par la progression des jihadistes qui ont longtemps bénéficié de l’appui du régime et de l’affaiblissement de l’Armée syrienne libre. Enfin, la question sociale en Irak et en Syrie est également posée.

Le discours français et, plus généralement occidental, sur l’État islamique a ses limites. Il n’est évidemment pas question ici de nier la barbarie de ce mouvement et la nécessité de le combattre. Mais la diabolisation ne suffit pas. Il n’est pas interdit de s’interroger sur les causes profondes de son influence sur la population sunnite dans un vaste périmètre à l’est de la Syrie et à l’ouest et au nord de l’Irak. Les jihadistes opèrent aussi dans la tradition islamiste, et pas seulement par la terreur. Ils viennent en aide à des populations démunies et payent correctement les combattants qu’ils recrutent. La guerre ne suffira donc pas à « éradiquer » ce mouvement. Un mouvement qui a lancé lundi un véritable appel au meurtre contre Français et Américains en première ligne dans la coalition. Enfin, l’intervention occidentale rebat également les cartes dans le Golfe, et à propos des relations avec l’Iran. Qui peut prétendre qu’il n’y a pas sujets à débats dans une démocratie digne de ce nom ?

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