Persister dans l’erreur

Malgré l’échec total de sa politique économique et sociale, le gouvernement n’envisage pas un instant de revoir sa copie.

Michel Soudais  • 18 septembre 2014 abonné·es
Persister dans l’erreur
© Photo : AFP PHOTO/ ALAIN JOCARD

Une politique se juge à ses résultats. C’est ce que François Hollande n’a eu de cesse de rappeler depuis son arrivée au pouvoir et ses premiers choix contestés. S’il est encore trop tôt pour tirer le bilan du quinquennat, celui que l’on peut faire à mi-mandat signe l’échec total de la politique économique et sociale suivie depuis le 6 mai 2012.

La tâche première du gouvernement devait être de « redresser la France », en commençant par « le rétablissement des comptes publics ». Les impôts, directs ou indirects, ont augmenté, les dépenses de l’État ont été rabotées, celles de la Sécurité sociale orientées à la baisse et les dotations aux collectivités locales rabotées. Au final, pour quoi ? Les déficits publics, dont la réduction justifiait la politique d’austérité mise en œuvre depuis 2012, sont en hausse ! De l’aveu même de Michel Sapin, qui a révélé ce chiffre lors d’une conférence de presse le 10 septembre, ils devraient atteindre 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2014, après avoir été de 4,3 % en 2013. Loin des objectifs affichés à la fin de l’année dernière dans la loi de finances (3,6 %) et encore en juin dans la loi de finances rectificative (3,8 %). Seconde mauvaise nouvelle annoncée le même jour par le ministre des Finances, la croissance n’atteindra pas 1 % cette année comme prévu initialement, ni même 0,5 % ainsi qu’il l’avait annoncé le 14 août, mais 0,4 % seulement. Pour Michel Sapin, « l’essentiel de la hausse [des déficits publics] est évidemment dû à [cette] dégradation du contexte économique ». Et ce n’est pas près de s’arranger puisqu’en 2015 Bercy ne table plus que sur 1 % de croissance au lieu de 1,7 %, et 0,9 % d’inflation au lieu de 1,7 %, obligeant le gouvernement à trouver deux milliards supplémentaires pour atteindre les 21 milliards d’économies prévues dans le budget 2015, dont la présentation a été de ce fait repoussée au 1er octobre. Ce dérapage des déficits publics augure de nouvelles difficultés avec Bruxelles. François Hollande, qui s’était engagé durant sa campagne à les ramener sous la barre des 3 % en 2013, avait dû envoyer l’an dernier Pierre Moscovici négocier un délai supplémentaire de deux ans. Las, les nouvelles prévisions de Bercy ne prévoient pas d’atteindre cet objectif avant 2017. Mais ce dérapage constitue surtout un désaveu cinglant pour François Hollande. « On est entrés dans la deuxième phase du quinquennat, le redressement n’est pas terminé, mais le retournement économique arrive », claironnait le chef de l’État, le 4 mai, dans le Journal du dimanche. « La reprise est là », avait-il déjà assuré le 14 juillet 2013. La méthode Coué n’a jamais fait une politique.

Et d’autres indicateurs, sociaux ceux-là, sont également dans le rouge. C’est le cas de ceux qui mesurent le pouvoir d’achat : un Français sur cinq est à découvert tous les mois ; les demandes gracieuses de tout ou partie de l’impôt, qui avaient bondi de 20 % entre 2011 et 2013, sont toujours en progression… Le nombre de chômeurs continue d’augmenter de mois en mois. Les dernières statistiques, publiées le 27 août, enregistraient 3,424 millions de chômeurs de catégorie A (ceux qui n’ont exercé aucune activité), soit un demi-million de plus qu’en mai 2012. En incluant les chômeurs ayant exercé une activité réduite (catégorie B et C), la France compte 5 386 600 demandeurs d’emplois. Qu’elle paraît loin l’inversion de la courbe du chômage promise par François Hollande et qu’il disait « amorcée » au mois de décembre dernier ! De nombreuses voix parmi les économistes et les responsables politiques de gauche, jusque dans les rangs du PS, ont pourtant alerté, dès 2012, sur le danger qu’il y avait à réduire les déficits publics à marche forcée dans une conjoncture dépressive. Mais François Hollande et ses ministres n’ont jamais voulu en tenir compte, affirmant qu’il n’y avait pas d’autre politique possible. Alors qu’on mesure aujourd’hui tragiquement cette erreur, ils persistent dans la même impasse. Il y a dans cet entêtement une énigme pour l’intelligence.

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