« C’est compliqué… » (À flux détendu)

Il y a maintes raisons de se réjouir de l’attribution du prix Nobel de littérature à Patrick Modiano.

Christophe Kantcheff  • 16 octobre 2014
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« C’est compliqué… » (À flux détendu)

Il y a maintes raisons de se réjouir de l’attribution du prix Nobel de littérature à Patrick Modiano, au premier rang desquelles, bien entendu, son œuvre, le charme entêtant qui émane de celle-ci et sa si grande singularité qui a pourtant une portée universelle (voir p. 25). Il en est d’autres qui expliquent pourquoi nous sommes contents pour lui. Outre admirer ses livres, on peut éprouver aussi de la sympathie pour sa personne, et même de l’affection, sans jamais l’avoir rencontré – c’est mon cas. Par exemple, sa totale absence d’égocentrisme, de narcissisme d’auteur, encore moins d’exhibitionnisme médiatique, alors que sa cote auprès des radios et des télés est élevée car il vend très bien – critère désormais unique et définitif.

Ou encore sa manière de parler, que beaucoup de téléspectateurs ébahis ont découvert un soir en regardant « Apostrophes », il y a longtemps, et qui est toujours la même. Une façon de rechercher le mot juste, multipliant les hésitations et les repentirs, court-circuitant une phrase pour attraper l’expression qui lui vient et qu’il ne veut pas laisser s’échapper. Comment ne pas être touché par cette évidente sincérité ? Et bizarrement – Ah, ce « bizarrement » si modianesque ! –, malgré cette élocution accidentée, ce flot méandreux, Patrick Modiano, quand il parle de son art littéraire, de ce qui l’a influencé, de son enfance chaotique, est lumineux. « C’est compliqué », dit-il souvent. Oui, le monde est compliqué, et le propos pour en rendre compte n’est pas toujours simple. Ce n’est pas l’avis des bateleurs de plateaux télé, tous ces beaux parleurs qui enchaînent les phrases bien huilées sans penser à rien d’autre qu’à paraître au meilleur d’eux-mêmes et qui réduisent le monde à l’évidence de leurs lieux communs ou de leur bon sens populiste.

Patrick Modiano, prix Nobel de littérature : une des rares joyeuses nouvelles de ces derniers temps. À célébrer sans modération.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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