Frankenstein ? Not dead

Le sinistre personnage s’est sédimenté dans ses défécations pétainâtres.

Sébastien Fontenelle  • 16 octobre 2014 abonné·es

Si tu as des enfants, tu as sûrement noté ça : le moment arrive toujours où – nonobstant qu’étant tes enfants ils sont à tout point de vue exceptionnels – tu dois leur signifier, avec urbanité but fermeté, que c’est pas bien de faire telle ou telle connerie – c’est pas bien, te dis-je, alors maintenant tu arrêtes et tu finis tes spaghetti cacio e pepe ou j’appelle M. Valls [^2]. Parce que si tu les laisses trop la continuer, la connerie, ils vont croire que c’est tout à fait normal de la faire –  where is da fuckin problem, buddy ? – et ils auront parfaitement raison puisque, comme je viens de t’expliquer – ça serait bien que j’aie plus à te répéter cent fois les mêmes trucs –, tu ne leur auras pas du tout montré qu’il ne faut quand même pas trop pousser mémé dans les orties.

Bon, pourquoi je te parle de ça, tout d’un coup – genre tu vas croire que je me prends pour Françoise Dolto ? Parce qu’avec les clercs de médias qu’on a dans l’époque, c’est exactement la même chose [^3] : je veux dire que, si on ne les arrête pas immédiatement, si on ne leur dit pas, dans l’instant précis où ils finissent de vomir une insanité, que c’était la dernière – et que, s’ils récidivent, tout le truc risque de se tendre un peu –, ils s’engoncent dans leur(s) vilenie(s) et, au bout d’un moment, on s’aperçoit qu’on a trop tardé à les réprimander et qu’il est devenu totalement impossible de leur faire comprendre l’obscénité de leurs divagations.

Prends un mec comme Éric Zemmour, par exemple [^4], qui a commencé en 2010 à narrer, dans un bouquin totalement glauque, que le maréchal Pétain avait passé la première moitié des années 1940 à sauver des juifs. À ce moment-là, personne – ou presque – n’a réagi comme il fallait – en lui intimant de fermer sa triste gueule, et vite, si tu ne veux pas qu’on te la passe au savon. Toutaucontraire : la presse et les médias dominants lui ont déroulé des tapis rouges et gardé des ronds de serviette aux talk-shows débiles où se formate l’opinion. Personne ne lui a dit que sa logorrhée était à gerber : tout le monde a plutôt ovationné son « anticonformisme » – même après sa condamnation pour provocation à la haine raciale. Résultat, quatre ans plus tard : le sinistre personnage s’est effectivement sédimenté dans ses défécations pétainâtres, et ceux-là mêmes qui l’ont pendant de longs ans encouragé à se lâcher commencent presque à plisser du nez, tellement ce qu’il raconte est répugnant. Frankenstein ? Not dead.  

[^2]: Ceci est un message personnel pour mes propres enfants, qui n’ont, bien entendu, jamais fait, quant à eux, la moindre c… bêtise – pour la simple et bonne raison qu’ils sont, pour ce qui les concerne, véritablement exceptionnels : ce dernier point ne souffre aucune discussion. (Non mais sans déconner, qu’est-ce que tu croyais ?)

[^3]: À ceci près, naturellement, qu’eux n’ont plus tout à fait six mois et demi – certains (que je ne nommerai pas parce qu’on a dit qu’on balançait pas les noms, c’est trop salaud) sont mêmes d’authentiques vieux cons et n’ont par conséquent pas du tout, lorsqu’ils énoncent une dégueulasserie, l’excuse de l’âge.

[^4]: Mais on aurait tout aussi bien pu évoquer le cas – extrêmement douloureux et qui, par l’ampleur des névroses qu’il révèle, désespère, dit-on, la faculté – d’Alain Finkielkraut.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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