Jacques Boutault : Refonder l’espoir à gauche, c’est possible !

TRIBUNE. Les régionales de 2015 offrent l’occasion aux écologistes de sortir du tête-à-tête avec la vieille gauche molle.

Jacques Boutault  • 2 octobre 2014
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Jacques Boutault : Refonder l’espoir à gauche, c’est possible !
© **Jacques Boutault** est maire du IIe arrondissement de Paris et membre du bureau exécutif d’EELV. Photo : AFP PHOTO / JOEL SAGET

Après moult atermoiements, les élections des nouveaux conseils régionaux devraient se tenir fin 2015. Seule une opposition écologique et sociale à la politique menée par le gouvernement Valls 2 peut ouvrir à gauche une voie d’espoir. Empruntons-la. Les écologistes ont des convergences fortes et des engagements communs avec celles et ceux qui se définissent comme altermondialistes, décroissants ou écosocialistes. La période qui nous sépare de cette échéance doit être mise à profit pour construire dans chaque région, au-delà des appareils, des rencontres programmatiques avec toutes les forces qui se reconnaissent dans l’écologie politique : la gauche anti-productiviste, les ONG, les Alternatiba et collectifs citoyens des luttes contre les grands projets inutiles, de Notre-Dame-des-Landes au barrage du Testet, du centre commercial EuropaCity de Gonesse à la ferme des 1 000 vaches, etc.

Il faut construire avec les milliers de jeunes qui sont descendus dans la rue le 21 septembre pour défendre le climat et la planète, dont un sur trois n’avait auparavant jamais manifesté. Ils nous exhortent à « sauver la planète, pas la croissance »  ! C’est la nouvelle génération « Do it », qui se prend en charge et préfigure le changement qu’elle souhaite. Nous ne devons pas la décevoir. Les dirigeants du monde vont se retrouver à Paris fin décembre 2015 pour la 21e conférence sur le climat (COP 21). Une ultime tentative d’un accord climatique. La concomitance calendaire de cet événement avec les régionales offre l’occasion de mener, avec ces mouvements, une campagne centrée sur la transition écologique des territoires et des régions. Pourtant, et alors que Grenoble démontre que des listes d’initiatives citoyennes sont un débouché politique crédible, la direction d’EELV continue à privilégier l’alliance avec le Parti socialiste. Ce type d’alliance systématique doit prendre fin. Au niveau national, le gouvernement semble résigné au dogme néolibéral. Manuel Valls crée de la désespérance. Il accrédite l’idée qu’il n’y a pas d’autre politique possible et donc plus de différences entre la droite et la gauche. Une telle posture renforce l’abstention, mais aussi l’attraction pour les candidats d’extrême droite qui se prétendent « hors système » alors qu’ils sont le système. La réforme territoriale menée à la va-vite et de manière anti-démocratique, car sans débat public, nous offre l’opportunité d’associer la question institutionnelle à celle de la transition écologique, dans le cadre les débats sur la VIe République : résilience des territoires, autonomie fiscale des régions, préservation de la clause de compétence générale, élection directe et par scrutins de listes dans les intercommunalités… Les écologistes disposent d’une expérience de gestion de nombreuses régions. Et d’un bilan ! Dans beaucoup d’entre elles, nous avons contribué à renverser les priorités en matière de transport, obtenu des avancées importantes sur le logement, le handicap, la santé, le bio, les lycées… Nous avons préservé des zones naturelles et agricoles de l’urbanisme extensif, créé les coulées vertes et corridors écologiques, œuvré à la relocalisation d’activités économiques… avec toujours l’égalité territoriale et la justice sociale et environnementale comme boussole.

Ces avancées se sont faites, le plus souvent, dans une situation de rapport de force et de dialogue tendu avec notre allié principal, sans que toujours les engagements programmatiques pris avec lui soient tenus. Nous avons été considérés comme minoritaires dans la majorité, jamais partenaires, et, malgré nos succès, nous n’avons que très partiellement été gratifiés des avancées obtenues dans nos différents champs de compétences. Nous n’avons jamais pu mener une politique de transition écologique réellement ambitieuse. Dans un contexte national où le gouvernement socialiste est obsédé par le retour d’une croissance qui ne reviendra plus et s’est discrédité par ses renoncements, nous devons sortir du tête-à-tête avec la vieille gauche molle. Aux régionales, les écologistes sont en capacité de rassembler autour d’un projet déjà largement partagé – la transition écologique, qui allie justice climatique et justice sociale. Nous devons encourager les convergences programmatiques, dans toutes les régions, avec les membres des collectifs et partis politiques impliqués dans les luttes contre les grands projets inutiles anti-écologiques et le dérèglement climatique, mais aussi en résistance face à l’austérité et à la casse du droit du travail. Nous devons rassembler toutes les forces qui croient à la vocation transformatrice de l’écologie politique.

Dans un deuxième temps, mais dans un deuxième temps seulement, nous devrons discuter des équilibres à reporter sur des listes écologistes et d’initiatives citoyennes. Les ego et les étiquettes doivent s’effacer au profit du « quoi faire ensemble » et de la capacité à transformer les luttes en changements institutionnels. D’ici là, multiplions des rencontres dans chaque région, mêlant politiques, syndicalistes, associations, citoyen et citoyennes qui se reconnaissent dans cette logique, afin d’y élaborer des programmes régionaux partagés pour la transition écologique et sociale.

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