Iran : Négociation avortée

L’échec des pourparlers sur le programme nucléaire pénalise surtout la population.

Denis Sieffert  • 27 novembre 2014 abonné·es
Iran : Négociation avortée
© Photo : AFP PHOTO/ATTA KENARE

Après une semaine de négociations, l’Iran et les grandes puissances, réunis à Vienne, ne sont pas parvenus à un accord, lundi, sur le programme nucléaire iranien. Mais, plutôt que de prendre acte d’un échec définitif, les protagonistes ont décidé de se donner jusqu’à l’été 2015 pour préserver les chances de succès. Ce nouveau répit est évidemment de l’intérêt de Barack Obama, comme du Président iranien Hassan Rohani, l’un et l’autre pour des raisons de politique intérieure. Pour le premier, il s’agit d’obtenir la garantie que l’Iran ne franchira pas le seuil qui sépare le nucléaire civil du militaire, et d’éviter ainsi de donner des arguments aux « va-t-en-guerre » républicains. Et pour le second, il s’agit d’obtenir la levée des sanctions économiques qui frappent durement la population. Le modéré Rohani s’est fait élire sur la promesse de la levée des sanctions, mais sans pouvoir sortir de l’ambiguïté sur le dossier nucléaire qui est à la fois le cheval de bataille des durs du régime, dont le « Guide suprême », Ali Khameneï, et un enjeu de souveraineté nationale. En toile de fond, il y a aussi évidemment le rôle géostratégique de l’Iran dans les grands conflits régionaux, notamment en Syrie.

Cependant, au-delà des motivations des principaux acteurs du dossier, on peut aborder cette affaire de bien des façons. Les anti-nucléaires que nous sommes se prononcent sans ambages contre l’acquisition de la bombe par le régime des mollahs. Mais cette opposition n’a de sens qu’inscrite dans une logique de désarmement international, ou à tout le moins régional. Pourquoi interdire à l’Iran ce que l’on permet à Israël, qui possède plusieurs centaines d’ogives nucléaires, et qui se trouve être la puissance qui pousse à l’affrontement avec Téhéran ? Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, s’est d’ailleurs empressé de se féliciter, lundi soir, de l’absence d’accord.

Ajoutons que des pays autrement plus instables que l’Iran possèdent l’arme atomique. C’est le cas notamment du Pakistan. La question du nucléaire a changé de nature avec la fin du conflit Est-Ouest – si tant est que celui-ci n’est pas en train de resurgir autour de l’Ukraine. Beaucoup de spécialistes redoutent aujourd’hui la dissémination du nucléaire dans un monde à la fois éclaté et dominé par un commerce des armes devenu incontrôlable. Cette nouvelle situation devrait plaider en faveur d’un désarmement massif. On en est évidemment loin. Et en l’absence de tout effort dans ce sens, les conditions imposées à l’Iran, et qui frappent durement la population, sont un signe de plus du « deux poids deux mesures » qui est la règle dans les relations internationales. Car ce n’est pas tant la nature de son régime que l’on reproche à Téhéran, que son positionnement international.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

« Au Soudan, il faudra bien, tôt ou tard, imposer un cessez-le-feu »
Entretien 7 novembre 2025 abonné·es

« Au Soudan, il faudra bien, tôt ou tard, imposer un cessez-le-feu »

Clément Deshayes, anthropologue et chercheur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste du Soudan, revient sur l’effondrement d’un pays abandonné par la communauté internationale.
Par William Jean et Maxime Sirvins
Comment la guerre au Soudan révèle les failles du contrôle mondial des armes
Soudan 7 novembre 2025 abonné·es

Comment la guerre au Soudan révèle les failles du contrôle mondial des armes

Les massacres commis à El-Fasher illustrent une guerre hautement technologique au Soudan. Derrière le cliché des pick-up dans le désert, une chaîne d’approvisionnement relie Abou Dabi, Pékin, Téhéran, Ankara et même l’Europe pour entretenir l’un des conflits les plus meurtriers de la planète.

Par William Jean et Maxime Sirvins
« Un espoir s’est levé avec la victoire de Mamdani à New York »
La Midinale 5 novembre 2025

« Un espoir s’est levé avec la victoire de Mamdani à New York »

Après la victoire du candidat socialiste dans la capitale économique du pays dirigé par Donald Trump, Tristan Cabello, historien spécialiste des Etats-Unis, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
À New York : « J’ai voté pour la première fois aux élections municipales et c’était pour Mamdani »
Reportage 5 novembre 2025 abonné·es

À New York : « J’ai voté pour la première fois aux élections municipales et c’était pour Mamdani »

Le candidat démocrate Zohran Mamdani, inconnu il y a un an, a été élu maire de la plus grande ville des États-Unis, grâce à une forte participation et à une campagne fondée sur les problématiques sociales.
Par Sarah Laurent