Jean-Pierre Mignard: un dangereux apôtre de l’UMPS

Michel Soudais  • 3 novembre 2014 abonné·es
Jean-Pierre Mignard: un dangereux apôtre de l’UMPS

Plus fort que Manuel Valls , Jean-Pierre Mignard, le président de la Haute autorité du PS, appelle, dans un entretien au Figaro , les élus de gauche et de droite à former une « coalition » . Comme le Premier ministre l’avait dit à L’Obs , il estime que François Hollande a « commis une erreur » en n’invitant pas François Bayrou dans la majorité. Mais l’ancien président de Désirs d’avenir va plus loin en traçant le projet politique d’une große Koalition à l’allemande : « Le pays ne peut plus se payer le luxe de la division. (…) Il faut converger et se rassembler avec les valeurs qui nous unissent : les alliances militaires, l’euro, la Convention européenne des droits de l’Homme. Le programme économique et social n’est, lui, qu’une question de curseur entre la gauche et la droite. Cette coalition peut rassembler 60 % des électeurs. Je suis formel : droite et gauche ne peuvent plus régler les problèmes l’un sans l’autre. »

A trois jours de l’intervention télévisée du président de la République , cet appel de l’un de ses plus anciens amis personnel et politique, pourra ressembler à une tentative désespérée de sauver le soldat Hollande. Le dessein de Jean-Pierre Mignard n’est toutefois pas aussi conjoncturel. Lui-même assure que ce « rapprochement » auquel il veut « travailler dès maintenant » est « stratégique » et « ne doit pas être qu’électoral » .
On lui fera crédit de s’en être déjà fait l’avocat, profession qu’il exerce dans la vie civile avec un talent qui lui est reconnu, quand il expliquait début septembre sur I-Télé pourquoi il souhaitait « changer la constitution » .

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On admettra qu’il ne songe pas uniquement à préserver la position de son ami puisqu’il consent à ce que cette coalition réunie « sous sa direction » aujourd’hui, le sera « peut-être sous celle d’un homme de droite demain » .

On lui reconnaîtra surtout une exceptionnelle constance avec ce qu’il proclamait il y a trente ans :
« Face aux périls qui grossissent (racisme, peur, pauvreté, montée des extrêmes), ayons le front de proposer un consensus stratégique entre nous et les courants démocratiques du pays. Ainsi, au-delà du clivage gauche-droite, pourraient s’affirmer les principes sur lesquels notre société doit impérativement reposer et les limites qu’il convient de ne jamais dépasser, à moins de déchoir. Tout le monde y gagnera… C’est aussi tout cela la modernisation. »
Ces lignes sont extraites d’une tribune publiée dans Le Monde en 1984. Titrée « Pour être modernes, soyons démocrates » , elle était co-signée par Jean-Pierre Mignard, Jean-Yves Le Drian et … François Hollande, alors le chef de cette petite bande de « modernisateurs ».

Dans l’entretien au Figaro publié ce matin , Jean-Pierre Mignard rappelle à son ami ses projets de jeunesse. Comme il l’avait fait dans une tribune parue dans Le Nouvel Observateur , le 19 juillet 2007, « Souviens, François » : « La référence au Parti démocrate américain ne nous faisait pas peur » , y écrivait-il.
« François » étant depuis devenu Président, Me Mignard estime que le moment est venu pour lui, après avoir tenu « un discours économique nouveau » , de tenir « un discours politique nouveau » , « de parler à tout le monde » afin de « terminer son quinquennat en apothéose » et d’ « être le grand passeur » qui nous conduira vers une « Ve République nouvelle » .

Il y aurait péril à ce que François Hollande le suive. Car, en prônant cette grande coalition, dans laquelle ont sombré la plupart des partis sociaux-démocrates après y avoir succombé, Jean-Pierre Mignard accrédite rien moins qu’un des principaux thèmes de Marine Le Pen, l’UMPS, sur la dénonciation duquel le Front national a construit ses succès électoraux. Si une telle alliance devait voir le jour, loin de conjurer le danger que représente l’extrême droite, comme l’imagine Me Mignard, elle ne ferait qu’en accélérer la venue.

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