« Sirènes », de Pauline Bureau : La vie comme un puzzle

Avec Sirènes , Pauline Bureau conte quarante années d’existences ordinaires dans un savant désordre.

Gilles Costaz  • 27 novembre 2014 abonné·es

Après Modèles, qui traitait de façon caustique et parfois déchirante de l’image de la femme, la jeune auteure-metteuse en scène Pauline Bureau présente Sirènes. Il ne s’agit plus du même thème, bien que la condition des femmes reste centrale dans cette nouvelle pièce. On est là dans la fiction, les sirènes n’étant qu’un terme littéraire et ironique pour évoquer les mirages féminins qui rendent les hommes machistes et infidèles. Ainsi, dans la première séquence, une mère de famille attend son mari à dîner avec sa fille. Ce navigateur au long cours n’arrivera pas, il est parti sans laisser d’adresse au bras d’une autre.

Cet homme oublieux, on va le retrouver. Mais dans les circonvolutions d’un récit dont les chapitres paraissent parallèles avant de se rejoindre dans un savant désordre chronologique. Certaines scènes ont lieu en 1966, d’autres en 2013, les autres pendant les années qui séparent ces deux dates butoirs. Le puzzle forme, au final, la chronique de divers individus sur trois générations. Quelques personnages dominent cette galerie d’êtres humains saisis à divers points du temps et en différents repères géographiques (Le Havre, Paris, Shanghai). Surtout une chanteuse qui a perdu sa voix. Une tardive explication avec sa mère débloquera une part de l’angoisse à l’origine de l’aphonie. Les secrets de l’une et de l’autre permettront de retracer les lignes du malheur et de dessiner le chemin de l’espoir. Pauline Bureau cadre à la fois le microcosme de la vie ordinaire en France et la scène mondiale dominée par le cynisme et l’âpreté économique. Cette pièce en fragments, un peu déroutante à son début, gagne son pari peu à peu, quand l’ampleur du projet apparaît vraiment et lorsque la liberté de la mise en scène, avec ce faux désordre et l’entrée en jeu de rock et de chansons, devient tout à fait grisante. Les acteurs, Marie Nicolle, Anne Rotger, Catherine Vinatier, Philippe Awat, notamment, sont douloureux et drôles. Derrière une construction complexe, du souffle ! Ce qui n’est pas fréquent.

Théâtre
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