« Tram 83 », de Fiston Mwanza Mujila : Vous prendrez bien un verre d’absurde ?

Premier roman de Fiston Mwanza Mujila, Tram 83 dépeint le quotidien burlesque d’un bar en Afrique.

Anaïs Heluin  • 20 novembre 2014 abonné·es
« Tram 83 », de Fiston Mwanza Mujila : Vous prendrez bien un verre d’absurde ?
© **Tram 83** , Fiston Mwanza Mujila, éd. Métailié, 200 p., 16 euros. Photo : Philippe Matsas

Au comptoir du Tram 83, les nuits se suivent mais ne se ressemblent pas tout à fait. L’ivresse, les magouilles et la ronde des prostituées en quête de clients avinés sont toujours au rendez-vous ; ce qu’on ne peut pas prévoir, c’est la manière dont elles se combinent. Dans ce bar où se concentre toute la misérable vie de la Ville-Pays, la débauche est inventive et a horreur de la répétition. Le narrateur anonyme de Tram 83 la décrit avec l’humour noir d’un feuilletoniste que la décadence aurait forcé à réinventer sa pratique. L’amour est mort et a entraîné la beauté dans son sillage.

Qu’à cela ne tienne, le Congolais Fiston Mwanza Mujila fait danser ses personnages sur leurs décombres. Avec son éternel carnet et son air ingénu, l’écrivain Lucien est le protagoniste central de ce petit bal anarchique. Bien malgré lui, à peine débarqué de l’Arrière-Pays en pleine guerre civile, il se laisse absorber par les bas-fonds de cette ville que l’on imagine paumée sur le continent africain. Il faut dire qu’il a pour cela un excellent guide : Requiem, alias le Négus. Aussi funeste que son nom, ce personnage aux intentions douteuses l’entraîne dans ses orgies compliquées, peuplées de pauvres hères tout juste assez consistants pour être dotés d’un patronyme.

Étudiants en grève permanente, mineurs interdits de creuser, travailleuses du sexe en tout genre, touristes décadents… Autant de présences qui gravitent autour de Lucien et parasitent le récit au point de le rendre aussi titubant que les alcooliques auxquels il s’attache. Collection d’intrigues mort-nées, Tram 83 dit la difficulté d’écrire quand le monde bat de l’aile. Burlesques à force de résister à la violence, les corps qui entourent l’écrivain font de cette figure le lieu de tous les absurdes. Sorte de Pierrot tombé par hasard dans une beuverie, Lucien est fou parce qu’il croit encore que tout peut s’arranger. Que tout a un sens.

Littérature
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