Une taxe Tobin peau de chagrin

Les ministres européens doivent définir la future taxe sur les transactions financières. Mais la France freine.

Thierry Brun  • 13 novembre 2014 abonné·es
Une taxe Tobin peau de chagrin
© Photo : AFP PHOTO / ERIC PIERMONT

Ils sont « tous d’accord… pour se mettre d’accord » sur la taxe sur les transactions financières (TTF), a ironisé Oxfam France après la réunion des ministres européens des Finances, le 7 novembre à Bruxelles. Pourtant régulièrement à l’ordre du jour, le projet de TTF piétine depuis des mois et fait l’objet d’âpres négociations entre les onze ministres membres de la coopération renforcée [^2] autour de cette taxe à l’origine destinée à freiner les activités spéculatives sur les marchés financiers. Les ministres ont certes réaffirmé leur intention d’aboutir à un accord d’ici à la fin de l’année, « mais concernant les contours de la taxe et l’affectation, rien de nouveau. Les ministres sont restés flous sur leur position, malgré la joute qui a opposé Paris à Vienne par médias interposés », observe Oxfam France.

Le ministre des Finances, Michel Sapin, a plaidé, comme son prédécesseur, Pierre Moscovici, en faveur d’un projet de TTF qui consisterait à appliquer la taxe aux seules actions cotées et à certains CDS, des contrats d’assurance contre le défaut de paiement d’une valeur. Autrement dit, une TTF vidée de sa substance, les CDS ne représentant qu’une faible partie du volume des produits financiers dérivés. Le ministre souhaite ainsi que cette taxe rabotée entre en vigueur comme prévu début 2016, jugeant important « d’avancer, même en faisant un pas », mais en écartant pour longtemps la perspective d’une taxe sur l’ensemble des opérations financières spéculatives sur les dérivés, dans lesquelles les banques françaises sont très engagées. La Fédération bancaire française avait convaincu Pierre Moscovici de revoir le projet à la baisse afin que cette taxe « ne nuise pas à l’économie » .

La proposition française est considérée comme un minimum par d’autres pays membres de la coopération renforcée. Le ministre autrichien des Finances, Hans Jörg Schelling, a qualifié la proposition de Michel Sapin d’inacceptable, il a ensuite présenté une autre proposition, prévoyant « d’inclure tous les produits financiers, sauf les obligations souveraines », laquelle a été « bien accueillie », a-t-il assuré. Rien n’est précisé sur le trading à haute fréquence et sur d’autres formes de trading, ainsi que sur le principe de collecte, constatent les ONG. Elles demandent depuis plusieurs années « à ce qu’une grande partie des revenus de la taxe soit allouée aux urgences mondiales : la lutte contre le changement climatique et les grandes pandémies, comme le sida », ajoute Oxfam France. Elles devront encore attendre.

[^2]: Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, France, Grèce, Italie, Portugal, Slovaquie et Slovénie.

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