Tout à fait à sa place

M. Netanyahou a défilé avec d’autres notoires défenseurs des libertés et du progrès.

Sébastien Fontenelle  • 15 janvier 2015 abonné·es

Il y avait ce dimanche, dans la foule d’éminences rassemblée autour de François Hollande « pour dire non à la terreur et oui à la liberté [^2] » après l’immonde tuerie que l’on sait, quelques – très – intéressantes personnalités, dont la présence n’était aucunement déplacée. M. Netanyahou, Premier ministre d’Israël, était, par exemple, dans cette si particulière circonstance, tout à fait à sa place, puisque, dans ces deux matières – la terreur et la liberté –, il a fait d’assez longue date l’ample démonstration qu’il était, en même temps qu’un expert, un praticien rigoureux.

En effet, depuis d’interminables ans, M. Netanyahou n’a eu, c’est prouvé, de cesse d’allouer aux Palestinien(ne)s toujours plus de libertés. Comme celles de circuler selon leur guise (dans les limites des quelques périmètres, appelés aussi « territoires », que leur consent l’occupation israélienne) ou d’exprimer distinctement l’avis que le voisin qui les choie pourrait n’être pas moins soumis aux règles du droit pénal international qu’en son temps la Serbie de feu M. Milosevic (mais sans pousser tout de même leur effronterie jusqu’à réclamer trop bruyamment que les instances chargées du respect de ce droit prêtent à ces demandes une oreille vraiment attentive, ou se libèrent, pour y accéder, du tenace veto de l’oncle Sam, n’exagère quand même pas trop, Mahmoud, sinon je te supprime ton argent de poche).

Puis encore : dans les moments d’égarement où les (mêmes) Palestinien(ne)s, dont l’ingratitude navre, font le choix de méconnaître ces bontés pour se vautrer dans la revendication assumée de plus d’indépendance, M. Netanyahou, bridant nettement l’élan qui ferait sans doute commettre à moins pondéré que lui, sous le sceau sécuritaire de la « war on terror », de gigantesques massacres, limite sa réprimande à l’épandage de quelques milliers de tonnes de bombes, qui font à peine quelques milliers de victimes collatérales, d’âges divers mais souvent civiles – comme on l’a encore vu dans Gaza l’été dernier. Et tout cela tombe fort bien, car s’il était d’un tempérament plus ombrageux, il y aurait sans doute eu de la honte, pour M. Hollande, à convier M. Netanyahou au rassemblement de dimanche.

Tandis que là, non : là, le chef du gouvernement israélien s’est parfaitement inséré – à quelques mètres seulement de M. Abbas, que nul(le) ne pourra donc plus jamais soupçonner d’être par trop rancunier – dans le cortège où défilaient aussi d’autres notoires défenseurs des libertés et du progrès, comme M. Orban, de Hongrie, ou M. Ménard, tiens, qui avait choisi d’être à Paris plutôt que dans son fief pénique biterrois.

Et quand je lis, depuis, que le moment fut « historique », je le crois volontiers : je n’ai, de fait, pas le souvenir que d’autres que M. Hollande aient, dans l’époque, poussé si loin leur maîtrise de l’art de l’hypocrisie décomplexée.

[^2]: Lemonde.fr, du 10 janvier.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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