Vanuatu : une agriculture détruite par la mer

Claude-Marie Vadrot  • 20 mars 2015 abonné·es
Vanuatu : une agriculture détruite par la mer
© Photo: JEREMY PIPER / AFP

Il faudra encore des semaines pour terminer l’inventaire des pertes en vie humaines dans les 83 iles de la République de Vanuatu ravagées par le cyclone PAM il y a quelques jours, car plus des deux tiers de ce territoire restent hors d’atteinte des sauveteurs faute d’aires d’atterrissages praticables. Surtout dans la partie sud qui a été encore plus durement touchée que la capitale Port-Vila.

Mais au-delà des morts , des blessés, des dizaines de milliers de maisons envolées et détruites, une autre conséquence de la catastrophe va peser pendant des mois, voire des années sur l’avenir des 270 000 habitants qui vivent à 500 ou 1500 kilomètres de la Nouvelle Calédonie : les vagues poussées par les vents ont ravagé tous les lopins et les jardins vivriers des espaces côtiers inondés par la mer. Dans un pays dont l’agriculture, en dehors d’une petite activité de paradis fiscal, représente l’essentiel des ressources. Qu’il s’agisse de la consommation familiale très importante, et du commerce de ces fruits et légumes, les iles du Vanuatu sont déjà entrées dans la crise alimentaire. Une crise dont il sera une fois de plus difficile de sortir car l’eau de mer a submergé longuement les terres de la côte. Inondation qui a imprégné de sel des surfaces importantes. Un sel qui interdira toute culture pendant des mois ou des années, selon la fréquence et la quantité de pluies pour lessiver les sols. En prime, dans les espaces sur lesquels la mer a stagné trop longtemps, les arbres vont rapidement dépérir puis mourir ; alors qu’ils participent à l’alimentation des habitants et au maintien d’une faible épaisseur de terre cultivable.

Cette situation est toujours la même dans les pays dont les terres basses et agricoles sont régulièrement envahies par la mer. Même lorsque les tempêtes ne sont pas exceptionnelles, le phénomène est partout récurrent en raison de l’élévation régulière du niveau des océans bordant ces régions. Phénomène qui explique que des millions d’hectares de terre soient pratiquement devenues inutilisables dans le sud du Bangladesh où la hauteur moyenne au dessus de la mer dépasse rarement un mètre. Au sud de ce pays, il existe même une ile de 40 000 habitants où il ne reste plus d’eau douce, tous les puits ayant été envahis par les eaux salés. Leurs occupants ne survivent que grâce à l’importation d’eau depuis le continent. Cet empoisonnement des terres et le manque d’eau potable, on les retrouve dans de nombreuses iles du Pacifique, par exemple dans la République de Kiribati, mais aussi dans le sud de l’Inde, à Haïti et aux Maldives. Liste hélas non exhaustive…

L’examen des statistiques des désastres en cours ou récents montre que ce sont essentiellement des pays pauvres, agricoles et surpeuplés qui sont les premières victimes des ces calamités. Lors de la conférence sur les catastrophes naturelles qui vient de se terminer à Sendai au Japon la FAO (Food and Agriculture Organisation), une agence des Nations Unies, a rendu public un rapport dans lequel cet organisme rappelle que, sur une planète où plus de deux milliards de personnes dépendent de l’agriculture, 40% des pertes de production ont été causées par des inondations, d’eau douce ou d’eau de mer, liées à des événements climatiques imputables aux dérèglements climatiques entre 2003 et 2013, et qu’ils ont affecté 25 % des petits paysans du Sud, contre 13% au cours de la précédente décennie.

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