Le grand déraillement climatique

Les mesures d’urgence pour l’avant-2020 sont au point mort.

Geneviève Azam  • 30 avril 2015 abonné·es

La conférence de Paris sur le changement climatique (COP 21) est censée clôturer un cycle d’échec des négociations internationales depuis la conférence de Copenhague de 2009, laquelle devait prolonger et renouveler le protocole de Kyoto pour la période 2012-2020. À Durban, en 2011, une plateforme (ADP) avait été élaborée en vue d’aboutir en 2015 à un accord global devant s’appliquer, après 2020, aux 196 États de la Convention-cadre sur le climat, ainsi qu’à des mesures d’urgence pour l’avant-2020. Tous les rapports, y compris celui de l’AIE [^2], alertent en effet sur l’importance de l’actuelle décennie pour tenir les objectifs globaux. De ces mesures pour l’avant-2020, nous ne parlerons pas, car le groupe de travail supposé les proposer est au point mort, et le texte de négociation pour Paris n’évoque que des projections à 2030 ou à 2050, voire à la fin du siècle !

Et pour l’après-2020 ? Depuis Copenhague, les pays industriels se sont attachés à remettre en cause le principe d’un accord négocié, global et contraignant sur les émissions de gaz à effet de serre, reposant sur une responsabilité commune mais différenciée. C’est pourquoi les réunions internationales ont changé de nature. Désormais, et en conformité totale avec l’idéologie néolibérale du laisser-faire, les États sont appelés à déclarer leurs « intentions » en matière de réduction des émissions. Ces déclarations, qui étaient attendues pour le début 2015, devaient ensuite être agglomérées pour que l’on puisse vérifier leur compatibilité avec l’objectif des 2 °C maximum d’augmentation de la température globale. Et qu’elles soient éventuellement modifiées.

À la suite de la dernière conférence sur le climat, ** à Lima (2014), la date de rendu des déclarations a été reportée à octobre 2015, deux mois à peine avant la conférence de Paris ! Pourquoi ? Parce que ce principe de déclaration volontaire a lancé une machine infernale qui, outre la réduction de la politique internationale à la somme des intérêts des États, multiplie les points de blocage et déplace les enjeux. Le débat se focalise sur le contenu de ces déclarations, leur périmètre, les dates de base pour les calculs, les gaz à effet de serre concernés, les moyens de vérification, la prise en compte – ou non – des puits de carbone. Un immense bric-à-brac technico-administratif !

Seuls une trentaine de pays sur 196 sont actuellement à jour. Avec les principaux pollueurs, États-Unis et Chine, qui ont pris les devants : la Chine ne baissera pas ses émissions avant 2030, elle pourrait même les doubler, malgré ses efforts d’efficacité énergétique, si son taux de croissance se maintient. Quant aux États-Unis, une petite réduction de 13,8 % des émissions entre 1990 et 2025 leur « convient ». Ces négociations ont atteint un point de non-retour. C’est aussi ce défi que nous devons affronter. 

[^2]: Agence internationale de l’énergie, World Energy Outlook 2011.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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