« Zaneta », de Petr Vaclav : Armée pour (sur)vivre

Le portrait d’une femme rom indépendante et combative dans une République tchèque raciste.

Christophe Kantcheff  • 6 mai 2015 abonné·es
« Zaneta », de Petr Vaclav : Armée pour (sur)vivre
© **Zaneta** , Petr Vaclav, 1 h 43.

Zaneta est une héroïne de cinéma. Klaudia Dudová, qui l’interprète, offre à la caméra son visage juvénile, farouche, gitan, au regard blessé. On apprend d’emblée que Zaneta a subi trois avortements, « à 15, 17 et 19 ans ». Quand on lui demande de quoi sa mère, décédée à 28 ans, est morte, elle répond : « Notre famille l’a ensorcelée. » Tandis que le médecin qui l’interroge lui répond : « Il est nécessaire de connaître son passif héréditaire. C’est pour savoir quelle faute vous commettrez, ce que vous allez infliger à votre entourage et de quoi vous allez probablement mourir. » Voilà les présentations presque entièrement faites. Zaneta est une jeune femme rom en République tchèque. Autrement dit, une combattante pour la survie.

Autour d’elle, des hommes aimants mais qui ne sont pas à la hauteur. Le compagnon de Zaneta, David (David Istok), avec qui elle a une petite fille, subit les conséquences de ses mauvaises relations avec lesquelles il espère s’en sortir ; son père, dominé par sa seconde femme, semble avoir abandonné toute prise sur son existence. Autrement dit, Zaneta ne peut compter que sur elle-même, dans un pays où les Roms – les « noirs », désignés ainsi en opposition aux Tchèques, « les blancs » – sont en butte à toutes les discriminations, à un racisme quasi légalisé.

Petr Vaclav brosse le portrait d’une femme qui n’a pas d’autre choix que de se battre, d’être indépendante, et qui en a le courage. Mais il évite l’hagiographie. Zaneta fait des erreurs, soupçonne à tort son compagnon de la tromper, exprime un rejet violent à l’encontre d’un ancien détenu pour la seule raison qu’il a fait de la prison. Mais Zaneta est sans cesse sur la corde raide. Elle fait front et va par monts et par vaux, sa petite fille dans les bras, à la recherche d’un boulot qu’on ne veut pas lui donner. Elle n’a pas peur, dit leur fait à ceux qui exploitent la faiblesse des Roms, s’écarte de son compagnon mais reste amoureuse de lui. Zaneta est farouchement engagée dans une lutte vitale. Elle sait encore faire la fête dans une soirée avec des Roms, quand elle pourrait se retourner violemment contre une société qui la tient pour indésirable. Zaneta persiste, ne rompt pas. Elle est de ces héroïnes de cinéma, comme Rosetta avant elle, chez les frères Dardenne, qui arrachent à l’adversité la possibilité de continuer à marcher, à respirer. À se tenir debout.

Cinéma
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