Islam, le danger du foutage de gueule

Pas une semaine ne s’écoule sans stigmatisation des *muslims* par les médias dominants.

Sébastien Fontenelle  • 24 juin 2015 abonné·es

Le quotidien le Parisien a publié ce week-end, six mois après « les attentats de janvier dernier », et par fidélité, sans doute, à la règle journalistique non écrite selon laquelle il serait excessif de foutre la paix aux mahométan(e)s plus de trois heures d’affilée, un sondage – effectué auprès d’un échantillon de 1 008 personnes représentatif de la population françousque [^2] – sur « l’image des musulmans et de l’islam », où apparaît que, pour 55 % de ces sondé(e)s, « l’islam est une religion trop visible », dont les adeptes, « dans leur majorité, mettent le plus possible en avant » leur croyance.

Aussitôt, l’hebdomadaire subventionné l’Express  [^3] a confectionné, sur la foi dudit sondage, un article mis en ligne sur son site, d’où ressort, c’est son titre, que : « Pour plus de la moitié des Français, les musulmans se mettent trop en avant ». Ce que lisant, je me suis de nouveau dit que c’était vraiment dommage qu’il n’existe pas encore de prix Nobel du foutage de gueule, parce qu’on aurait pu –  once again  – l’attribuer à l’Express, où l’on maîtrise à la perfection l’art (plus) difficile (qu’il n’y paraît) de prendre les gens pour des gros(se) s con(ne)s. Neffet, si nous remontons un peu le temps, nous allons nous remémorer que l’ostentation des musulman(e)s est une forgerie fabriquée à la toute fin des années 1980 par la poignée de fanatiques qui a soudainement décidé, ce jour-là, que deux collégiennes en foulard menaçaient l’intégrité de la République, et qu’il convenait de leur arracher fissa leur fichu, ou sinon ça serait un nouveau « Munich » – arrêtons-les avant qu’elles n’annexent les Sudètes.

Après cela, plus jamais une semaine – tu peux vérifier, tu verras que pour une fois je n’exagère pas du tout – ne s’est écoulée sans que la presse et les médias dominants, appliqués à confectionner pour leurs maîtres capitalistes un repoussoir aussi efficace qu’en son temps le « communisme » soviétique, n’apportent de nouvelles pierres à l’édification d’une stigmatisation générale et permanente des muslims, systématiquement représenté(e) s, à grands coups d’amalgames et de bobards, en menace to society – et n’œuvrent donc, précisément, à les rendre, à l’insu de leur plein gré, excessivement visibles dans le débat public. Et dans ce sale petit jeu – qui rappelle par maint aspect le sort fait, en d’autres temps, à d’autres communautés –, l’Express s’est régulièrement illustré, que ce soit par la brutalité de certaines proférations relatives aux musulman(e)s de son directeur – l’éditocrate assisté Christophe Barbier – ou par la production de couvertures ultra-racoleuses, genre : « Islam. Les vérités qui dérangent ». Ou : « La peur de l’islam ». Ou : « Islam, le danger communautariste ». Depuis dix ans, cette publication, avec d’autres, surexpose donc obsessivement une population vulnérable, qui voudrait juste qu’on lui lâche un peu le cheveu – puis se plaint finalement de ce qu’elle se mette trop en avant : une telle vilenie doit porter un nom, mais j’ai plus la place d’y réfléchir.

[^2]: Laquelle compte 66,3 millions d’individus. Info importante : si tu réunis trois potes, vous ferez un groupe représentatif de la population du département. Ça serait dommage de se priver.

[^3]: Gavé l’an passé, par l’État, de 4,9 millions d’euros d’aides publiques.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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