Les régionales agitent EELV

À trois mois et demi du scrutin des 6 et 13 décembre, la question des alliances divise toujours les écologistes, tentés dans quatre à six régions de partir avec tout ou partie du Front de gauche.

Michel Soudais  • 26 août 2015 abonnés
Les régionales agitent EELV
© Photo : HUGUEN/AFP

Le temps d’une soirée, les écologistes se sont pris à rêver. Au premier soir de leurs Journées d’été, qui se tenaient du 20 au 22 août à Villeneuve-d’Ascq (Nord), les têtes de liste EELV aux régionales ont exposé, dans une séance plénière conduite par Philippe Meirieu comme une émission de télé, à quoi ressemblerait leur région en 2025 après qu’ils en aient pris les commandes. Développement des transports propres et de l’agriculture bio, autonomie énergétique sur les territoires avec des régions à énergie positive, démantèlement du nucléaire, régions coopératives, bourse d’emplois collaborative, logements au plus près des emplois relocalisés, critérisation des aides économiques sur des bases environnementales, sociales et démocratiques, démocratie contributive, conseil des territoires constitué de citoyens et doté de moyens… Les utopies ne manquent pas et réjouissent les militants qui se pressent nombreux dans l’amphi.

La salle a également très applaudi la présentation par Jean-Charles Kohlhaas, tête de liste en Rhône-Alpes/Auvergne, du rassemblement effectif dans cette région entre EELV, le Parti de gauche (PG), Ensemble ! et Nouvelle Donne au service d’une dynamique citoyenne. « Vous en rêviez, nous, on l’a fait », a-t-il lancé avant de céder la parole à Corinne Morel Darleux, une des dirigeantes du PG, choisie pour être la porte-parole de ce rassemblement à deux têtes. Quelques heures auparavant, Emmanuelle Cosse avait pourtant tenté d’empêcher la présence sur le plateau de la dirigeante du PG, avant d’être désavouée par une majorité des cadres régionaux de son mouvement. Cette alliance, publiquement envisagée dans cinq autres régions, dont trois où les négociations sont toujours en cours (Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, Paca, Nord-Pas-de-Calais/Picardie), n’a pas les faveurs de quelques cadres. Lesquels ne digèrent toujours pas la sortie du gouvernement et s’opposent au projet, annoncé l’hiver dernier principalement par Cécile Duflot, de « construire une force politique nouvelle ». Dans une tribune rendue publique à la veille de l’ouverture des Journées d’été, les présidents des groupes parlementaires, François de Rugy, Barbara Pompili, Jean-Vincent Placé, et un quartet d’élus régionaux s’inquiétaient de voir EELV privilégier « l’alliance avec la gauche protestataire à l’action avec la gauche réformiste » au « risque de détruire l’écologie politique ». Les signataires demandaient en outre que dans les deux « régions à risque FN » (Paca, Nord-Pas-de-Calais/Picardie), EELV s’unisse au PS dès le premier tour.

Le lendemain, le président du Groupe écologiste au Sénat dramatisait encore plus l’enjeu en annonçant au journal le Monde qu’il quitterait EELV si l’alliance avec le Front de gauche ou une partie de celui-ci, en l’occurrence le Parti de gauche, était validée par les militants de la région Nord-Pas-de-Calais/Picardie lors de leur assemblée générale du 12 septembre. Cette énième menace de démission de celui se présentant comme un « fidèle soutien du président de la République » –  et qui comme François de Rugy avait choisi de bouder l’ouverture des Journées d’été  a été fraîchement accueillie par les militants, lassés de ses déclarations. Signe de la défiance croissante de ces derniers à l’égard du PS, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui participait à une table ronde sur la santé et l’environnement, a été copieusement sifflée par la salle quand elle a appelé à un rassemblement avec le PS dès le premier tour.

Ce débat, qui s’est surtout développé en marge des ateliers et des forums des Journées d’été, en préfigure un autre sur la présidentielle. Après les régionales, les militants d’EELV devront décider de leur stratégie pour l’élection présidentielle lors d’un congrès programmé au printemps. Ceux qui dénoncent d’éventuels accords avec le Front de gauche appellent déjà EELV à « s’engager de façon résolue dans la construction d’une candidature commune à la gauche et aux écologistes ». Une position qui est apparue nettement minoritaire dans le forum qui l’évoquait, les militants étant plus enclins à affirmer leurs positions soit par une candidature autonome, soit par le biais d’une primaire avec la gauche de gauche, qu’ils n’envisagent qu’à condition de l’emporter.

Cette volonté « identitaire » pourrait bien faire échouer les tentatives de rassemblements avec tout ou partie du Front de gauche. « Il n’est pas possible de se rassembler dans cinq ou six régions sans avoir de têtes de liste ou un label national », a plaidé à Villeneuve-d’Ascq Éric Coquerel, coordinateur politique du PG. Une demande sèchement rejetée par Emmanuelle Cosse, qui refuse d’engager des discussions nationales sur les régionales, mais que comprend David Cormand. Le secrétaire national adjoint d’EELV, délégué aux relations extérieures, refuse toutefois d’intervenir, la décision appartenant aux militants de chaque région. Lesquels n’ont d’ailleurs pas manqué de le rappeler à Éric Coquerel et à Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, qui participaient à un forum sur la co-construction d’une gauche écologiste et citoyenne. « Demain, je le souhaite, on effacera nos logos, mais laissez-nous faire cette campagne sans nous la polluer avec la présidentielle », a plaidé Jean-Charles Kohlhaas, en conclusion de ce forum.

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