Alternatiba, Tour de force

Ils ont pédalé 5 637 kilomètres en France et dans quelques pays voisins pour mobiliser dans les villes et les villages, pour « changer le système, pas le climat ». Samedi dernier, le périple militant s’achevait en un grand rassemblement à Paris.

Patrick Piro  • 30 septembre 2015
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Alternatiba, Tour de force
photos ©Patrick Piro

Ce ne sont pas les Champs-Élysées dévalés par les forçats de la petite reine, mais la foule est tout aussi respectable, qui clame son admiration et son adhésion, place de la République, au passage des cyclistes du Tour Alternatiba dopés à l’espoir. Sur la scène géante, manière de podium, on brandit une bicyclette, oui mais à vingt bras et c’est l’un des exemplaires à quatre places qui ont parcouru 5 637 kilomètres, 187 étapes en France, en Espagne, en Suisse, en Allemagne ou en Belgique. Des dizaines de pédaleurs se sont relayés, partis le 5 juin de Bayonne pour arriver le 26 septembre à Paris, en tandems, triplettes ou quadruplettes « écolo et solidaires ». Certains ont parcouru l’énorme périple de bout en bout. Nulle performance sportive, mais un véritable tour de force militant. Devant la scène, la foule communie dans le plaisir et le sentiment ténu qu’il est peut-être en train de se passer « quelque chose », la naissance en France d’un mouvement social pour « changer le système, pas le climat ».

Illustration - Alternatiba, Tour de force

« On a réussi » , glisse Txetx dans un souffle incrédule, chef d’équipe qui méritait bien que ses co-équipiers le poussent à franchir en premier la symbolique ligne d’arrivée, à la tête d’une « vélorution » de plus de 1 500 vélos rassemblés à Paris pour les derniers kilomètres. Sur la place de la République, des dizaines de stands s’installeront le lendemain pour présenter ce que l’Île-de-France offre d’actions alternatives au « système », un village « Alternatiba » éphémère comme il en a poussé plus de 110 en France depuis l’origine d’une mobilisation née au Pays basque il y a deux ans. Plus de 60 000 participants en deux jours, venus s’informer sur la sobriété énergétique, la solidarité avec les migrants (climatiques ou non), la réutilisation des déchets, l’accès à une alimentation saine pour la planète et pour les humains, l’éducation à l’environnement, la conversion aux logiciels libres et à des moteurs de recherche moins émetteurs de CO2.

Illustration - Alternatiba, Tour de force

Bien sûr, avant l’apothéose parisienne, il y eu l’interdiction du Tour Alternatiba à Marseille par le maire Jean-Claude Gaudin, une réception musclée à Fessenheim, les jours de pluie, la fatigue d’une centaine de conférences assurées au bout de l’exercice quotidien de pédalage. Balayés. Adrien a la gorge serrée. « Ce n’est pas ça l’important. On ne connaissait personne sur le parcours, trois mois après, 300 000 personnes se sont impliquées ! » « On les garde tous dans la tête ! » , jure Fanny. Max, l’inépuisable rappeur chauffeur de foules venu d’Allemagne, fixe un instant son regard. « Nous avons dépassé les limites. Ça peut aller très très loin… » Les Alternatiba s’étreignent. Sabrina pose son micro. « Ce qui m’a le plus marquée ? L’intérêt de tous ces gens pour la bataille climatique dans le moindre village, à l’encontre des indications des sondages. » Et à quoi ça sert ? « À créer du lien entre tous ceux qui se bougent partout, et qui s’ignoraient parfois à trois kilomètres de distance , témoigne Mattin. Croire dans le pouvoir de l’action collective, ça remonte le moral à des tas de gens, et beaucoup d’entre eux, sur le parcours, n’étaient pas des militants. » Ils ont croisé d’improbables Amap géantes, des collectifs d’habitats partagés et bioclimatiques, des dizaines d’ateliers de réparation de vélo. « Et de grandes souffrances, comme dans le bassin minier du Nord, sur un territoire où des gens se défoncent pour changer la société par la voie d’une écologie sociale, comme à Loos-en-Gohelle, Lille ou Arras, mais encore en banlieue parisienne, où je ne m’attendais pas à rencontrer des dynamiques militantes aussi fortes » , ajoute Txetx.

Illustration - Alternatiba, Tour de force

La mobilisation Alternatiba , dont l’écho a franchi cet été la barrière des grands médias, est aujourd’hui identifiée en France comme l’estampille rassembleuse dans la bataille climatique, dans un périmètre qui dépasse les cercles militants habituels. Il faudra cependant en démultiplier l’impact pour imposer la voix citoyenne lors de la COP 21, le sommet climat de Paris de décembre dont François Hollande a affirmé lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le 29 septembre, qu’il était celui de « la dernière chance pour l’humanité » . Alternatiba installera notamment un « village mondial des alternatives » à Montreuil (93) les 5 et 6 décembre.

samedi 26 septembre, arrivée du Tour Alternatiba

Illustration - Alternatiba, Tour de force

Illustration - Alternatiba, Tour de force

Illustration - Alternatiba, Tour de force

Illustration - Alternatiba, Tour de force

Illustration - Alternatiba, Tour de force

Illustration - Alternatiba, Tour de force

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Illustration - Alternatiba, Tour de force

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Illustration - Alternatiba, Tour de force

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Écologie
Temps de lecture : 6 minutes
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