Auvergne/Rhône-Alpes : « Demain, c’est possible »

Le Rassemblement, constitué par EELV, une partie du Front de gauche, Nouvelle Donne et des citoyens, avance des solutions concrètes immédiates plutôt que des grands projets.

Michel Soudais  • 28 octobre 2015 abonné·es
Auvergne/Rhône-Alpes : « Demain, c’est possible »
© Photo : Michel Soudais

Dans l’entrée de la permanence du Rassemblement, nichée dans une petite rue au cœur de Lyon, cinq paquets d’affiches entreposées à même le sol donnent le ton. Pas de photo de la tête de liste, juste des phrases en forme d’adages. Ensemble, elles constituent une anaphore qui résume l’esprit « citoyen, écologique, solidaire » de la liste : « Mieux vaut des solutions concrètes que des plans sur la comète. Mieux vaut des services publics de proximité que des zones rurales et des banlieues délaissées. Mieux vaut élire un citoyen à 100 % qu’un député-maire à mi-temps. Mieux vaut un enfant qui respire qu’une pollution qui empire. Mieux vaut de nombreux trains du quotidien qu’un seul Lyon-Turin. » Le ferroviaire est justement le sujet du jour. Autour de Jean-Charles Kohlhass, tête de liste, et de Corinne Morel Darleux, porte-parole, une petite troupe s’ébranle, direction Ambérieu-en-Bugey (Ain) et sa gare de triage. Le Rassemblement y a convoqué une conférence de presse pour présenter son alternative au Lyon-Turin. Deux rencontres sont également prévues avec des syndicalistes cheminots et des associations environnementales, avant une réunion publique à Chambéry (Savoie) en soirée.

En cours de trajet, Corinne Morel Darleux fait l’historique de cette liste qui ambitionne de diriger la nouvelle région Auvergne/Rhône-Alpes. Imaginée dans un appel signé fin 2014 par des militants écologistes et du Front de gauche, des syndicalistes et des responsables associatifs, elle s’est constituée autour d’un projet et d’une charte éthique, débattus dans des assemblées citoyennes ouvertes à des non-encartés et validés fin juin par les militants d’Europe Écologie-Les Verts, du Parti de gauche et d’Ensemble ! de Rhône-Alpes, rejoints après par Nouvelle Donne et la Nouvelle Gauche socialiste. Sur cette base, 250 à 300 personnes ont travaillé, durant l’été, à l’élaboration d’un programme en 110 propositions. Celles-ci ont été discutées ensuite dans une cinquantaine de cafés-citoyens regroupant 3 000 participants, et sur un site Internet. Le programme final, retravaillé pour tenir compte des critiques et des apports, a été adopté dimanche par « l’assemblée représentative régionale » du Rassemblement.

Cette assemblée de 70 personnes est une des marques de fabrique du Rassemblement. Chargée de « participer à toutes les grandes décisions de cette campagne et au-delà de la mandature à venir », elle comprend des représentants des partis engagés sur la liste, des personnalités retenues pour leur expertise, dont des conseillers régionaux qui ne se représentent pas, et un tiers de citoyens non-encartés désignés dans chaque département par des « comités territoriaux ». Avant de finaliser, dimanche dernier, les mesures phares qui seront portées durant la campagne, elle a décidé de son mode de fonctionnement et validé la liste des candidats lors d’une première réunion le 4 octobre, et se réunira encore trois fois d’ici au soir du premier tour, où il est prévu qu’elle décide de ce que fera le Rassemblement pour le second tour. Dans cette région, la deuxième de France par sa population (7,7 millions d’habitants), le Rassemblement espère virer en tête de la gauche. « Si on représente la gauche et les écologistes, on a davantage de chances que Jean-Jack Queyranne [président PS de la région Rhône-Alpes depuis 2004] de battre la droite », prédit Corinne Morel Darleux. Mais le sondage du jour éloigne cette perspective. Réalisé par BVA, il accorde au Rassemblement 8,5 %, loin derrière la liste du PS (24 %). Laurent Wauquiez (Les Républicains) est crédité de 31 %, le FN de 21 % et le PCF, en désaccord avec le Rassemblement sur le cumul des mandats et la place à accorder aux citoyens, de 7 %. Jean-Charles Kohlhass avoue ne pas comprendre. « Jusqu’à l’été, les sondages nous accordaient de 15 à 17 % », rappelle-t-il. Il n’exclut pas que la crise au sein d’EELV ait nui au score du Rassemblement, même si localement l’alliance entre sa formation et le PG n’a suscité ni remous ni démissions. « Le retour qu’on a du terrain ne correspond pas à ce sondage », poursuit-il en soulignant que « la campagne ne fait que commencer » et que « beaucoup de gens ne savent pas qu’il y a des élections en décembre ». Pour les toucher, le Rassemblement mise sur des solutions concrètes susceptibles d’assurer le #Bienvivre, son slogan de campagne. « Ce que veulent les citoyens, c’est du service, pas des infrastructures nouvelles », aime à répéter Jean-Charles Kohlhass. Et c’est précisément ce qu’avec ses colistiers il veut illustrer ce jour-là en présentant leurs projets en matière de transports. « Une grande compétence de la région », rappelle Corinne Morel Darleux, en ouverture d’une conférence de presse à la gare de triage d’Ambérieu. Daniel Ibanez, une figure des opposants au Lyon-Turin, membre d’aucun parti et deuxième de liste en Savoie, rappelle que malgré des rapports ministériels de 2006 et celui de l’OMS, qui « en juin 2012 a établi un lien direct entre les émissions de moteurs diesel et le cancer du poumon », « rien n’a été fait en matière de report des marchandises de la route vers le rail. Pourtant, un fonds pour le développement d’une politique intermodale des transports dans le massif alpin, présidé par M. Queyranne, le permet. »

Devant les voies de triage sous-utilisées, il rappelle que la ligne Dijon-Modane, déjà rénovée et mise au gabarit GB1, qui accepte pratiquement tous les transports de marchandises, pourrait supporter 120 trains de fret par jour contre une vingtaine aujourd’hui. La gare d’Ambérieu, idéalement placée sur l’axe nord-sud et est-ouest, et des terrains proches, comme une zone militaire déjà utilisée par la SNCF, raccordée à la ligne ferroviaire et près d’une autoroute, permettraient de mettre en œuvre à moindres frais cette « solution de bon sens ». Quand le coût de la liaison Lyon-Turin, qualifiée d’ « éléphant blanc » par la députée européenne (EELV) Michèle Rivasi, est estimé entre 25 et 30 milliards d’euros, pour une entrée en fonction vers 2030, le Rassemblement veut agir maintenant. « Dans un an et demi, si une majorité de la population le décide, on peut mettre sur des trains la moitié des camions qui passent dans le tunnel du Mont-Blanc et dans le tunnel du Fréjus, et empoisonnent les habitants des vallées de l’Arve et de la Maurienne, pour quelques millions d’euros d’aménagement », assure Jean-Charles Kohlhass, qui se dit prêt à créer un opérateur public régional embauchant du personnel avec le statut de cheminot pour suppléer aux carences de la SNCF. Car « la demande des transporteurs existe ». Ce souci de l’utilisation de l’argent public a conduit le Rassemblement à chiffrer dans un « contre-budget » l’impact budgétaire des votes de ses élus dans la mandature 2010-2015 contre des grands projets inutiles ou des aides dites de développement économique distribuées sans critères sociaux ni écologiques. Il évalue ainsi à 334 millions d’euros les économies qu’il aurait pu faire. « Si l’on y ajoute les 900 millions d’euros déjà programmés pour le Lyon-Turin, argumente Corinne Morel Darleux, cela donne une idée de la réorientation possible. »