Svetlana Alexievitch : Un prix Nobel polyphonique

La Biélorusse Svetlana Alexievitch fouille la mémoire du siècle soviétique.

Olivier Doubre  • 14 octobre 2015 abonné·es

Lauréate du prix Nobel de littérature 2015, Biélorusse née en Ukraine en 1948, Svetlana Alexievitch est une auteure atypique… qui n’a jamais écrit aucune fiction. Diplômée de la faculté de journalisme de Minsk, capitale du Bélarus, elle déclarait en 2014 : « Je ne suis pas journaliste. Je ne reste pas au niveau de l’information, j’explore la vie des gens, ce qu’ils ont compris de l’existence. Je ne fais pas non plus un travail d’historien, car tout commence pour moi à l’endroit même où se termine la tâche de l’historien. » Le principal outil de travail de l’auteure [^2] n’est pas le stylo, ni un logiciel de traitement de texte, mais un magnétophone. Et son œuvre, essentiellement composée de témoignages, sollicités, enregistrés et consignés, explore l’expérience « vivante et singulière » de chacun des acteurs du siècle soviétique qu’elle a rencontrés.

Pour Svetlana Alexievitch, ses livres sont des « romans de voix ». Ceux de la polyphonie de l’ homo sovieticus. Des « romans » (puisqu’il faut ici des guillemets) dont l’important travail de « confection » préserve la langue, le timbre, les accents, les longs développements et les omissions. La publication des témoignages de femmes soviétiques ayant vécu la Seconde Guerre mondiale, des habitants de Tchernobyl après la catastrophe nucléaire ou du véritable « désenchantement » à l’arrivée brutale du capitalisme au lendemain de la chute de l’URSS n’a pas toujours plu, loin de là, au pouvoir, contraignant un temps Svetlana Alexievitch à l’exil. Et lorsqu’on lui objecte que ces souvenirs récoltés ne relèvent ni de l’histoire ni de la littérature, elle rétorque que ce sont, au contraire, « des originaux », « vierges de toute altération », qui permettent de « sculpter l’image d’une époque ».

[^2]: La plupart des titres sont traduits en français. Actes Sud vient de publier un recueil : Œuvres , 800 p., 26 euros.

Littérature
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