Espagne : Podemos à l’épreuve des urnes

À la veille des élections générales du 20 décembre, le parti de Pablo Iglesias enregistre une légère embellie dans les sondages, après des mois difficiles. Correspondance de Laura Guien.

Laura Guien  • 16 décembre 2015 abonné·es
Espagne : Podemos à l’épreuve des urnes
© Photo : Akbulut/Anadolu/AFP

L’heure de la « remontée ». Pablo Iglesias et son équipe ont fait de ce terme un véritable mantra électoral pour les élections générales du 20 décembre. Cependant, cette « remontada » est rapidement entrée en contradiction avec les résultats du sondage préélectoral du Centre d’investigation sociologique (CIS) publiés au tout début de la campagne. Avec un total de 15,7 % des voix, une fois cumulés les votes de ses coalitions régionales en Galice, en Catalogne et dans la région de Valence, Podemos échoue au pied du podium, dépassé par Ciudadanos (Centre droit libéral), les socialistes du PSOE et la droite au pouvoir du Partido Popular (PP).

Les résultats enthousiasmants de février dernier, quand Podemos caracolait en tête de la gauche avec près de 24 % d’intentions de vote, appartiennent donc au passé. Ces élections annoncent-elles le déclin de Podemos ou une simple crise de croissance de la formation anti-système ? Podemos n’a pas attendu la campagne électorale de fin d’année pour chuter. D’après les sondages, le parti d’Iglesias est en perte de vitesse depuis janvier dernier. Les élections régionales catalanes du 27 septembre, dans lesquelles la liste locale a recueilli seulement 9 % des voix, ont cependant marqué un point d’inflexion négatif pour le parti. « Podemos n’a pas su se positionner vis-à-vis de l’indépendance, c’est pour cela que son score a été encore plus faible que prévu », décrypte Jorge Galindo, spécialiste en économie politique, collaborateur du blog d’analyse Politikon. À ces difficultés passées s’ajoutent celles drainées par une campagne électorale ultra-compétitive. Les socialistes du PSOE, talonnés par Ciudadanos, ont adopté la stratégie du vote utile à gauche pour capter l’électorat de Podemos. Mais le plus gros défi de la formation reste de maintenir son équilibre idéologique après une tentative infructueuse de recentrer son propos : « Podemos a fait un voyage au centre et en est revenu. La difficulté, maintenant, est de conserver sa position à gauche sans s’enfermer dans un parti de niche », poursuit Jorge Galindo.

Cependant, la situation du parti ne s’est pas aggravée ces derniers mois. Selon Kiko Llaneras, spécialiste des sondages, « Podemos est en train de remonter dans les enquêtes depuis trois semaines. Il s’agit d’une progression d’1 %. Ce n’est pas énorme, mais cette tendance à la hausse existe ». Une « remontée » sur laquelle les spécialistes ont des avis divers : « Il peut s’agir d’un captage de l’abstention ou simplement d’une bonne mobilisation de son électorat », résume Jorge Galindo. Il est vrai que le parti, critiqué pour son incapacité à transformer son diagnostic de la crise en propositions concrètes, a su concentrer son discours de campagne autour de cinq axes clairs : une réforme de la loi électorale, une autre du pouvoir judiciaire, le verrouillage des droits sociaux fondamentaux, un plan de référendum pour la Catalogne et la lutte contre la corruption. La légère remontée de Podemos pourrait également s’expliquer par sa stratégie d’alliance avec les forces régionales. « Une partie de la reprise peut être attribuée à la somme des partis coalisés en Galice, en Catalogne et à Valence », avance Kiko Llaneras. C’est le cas d’En Comù Podem, liste donnée gagnante en Catalogne par le sondage du CIS. À elle seule, cette candidature pourrait rapporter 10 à 11 sièges au parti d’Iglesias. « En se présentant sous une candidature commune, Iglesias et ses alliés ont évité une compétition entre eux, mais aussi une fuite de voix vers le PSOE », estime Jorge Galindo. Cette stratégie met en perspective une autre gageure pour la formation : «   Atteindre un équilibre interne pour éviter que les coalitions ne se transforment en groupes parlementaires faisant remonter uniquement les demandes de leurs régions », avertit le spécialiste. Quoi qu’il en soit, la formation d’Iglesias est sûre d’entrer au Congrès. D’où un autre défi qui s’annonce : celui du positionnement par rapport au futur gouvernement. « Se situerait-il, par exemple, dans l’opposition à un gouvernement du PSOE appuyé par Ciudadanos ? » C’est la question que pose Kiko Llaneras, notamment. En perspective, cette épreuve des responsabilités qui a été si douloureuse, sinon fatale, à Syriza, en Grèce.

Le sondage du CIS confirme la position de tête du Partido Popular, droite conservatrice au pouvoir, avec 28,6 % des voix, soit près de 8 points de plus que les socialistes (20,8 %). Talonnant le PSOE, Ciudadanos obtient la troisième position, avec 19 % des suffrages, confirmant son ascension depuis les élections catalanes. Podemos, relégué à la 4e position, obtient 9,1 %, score qui s’élève à 15,7 % avec ses candidatures de coalition, En Comù Podem, La Marea et Compromis, lesquelles représentent à elles seules près de la moitié des scrutins Podemos (6,6%). Conséquence de la fragmentation du vote, les estimations serrées du trio de tête ne dégagent pas de majorité absolue. L’instantané électoral du CIS présage soit d’une alliance à droite entre le PP et Ciudadanos, soit d’une triple alliance entre PSOE, Ciudadanos et Podemos.

Monde
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