COP 21, la voix de la Terre

Les bonnes nouvelles nous viennent des mobilisations citoyennes.

Geneviève Azam  • 13 janvier 2016 abonné·es

Après les congratulations réciproques entre États et entreprises sur l’avancée de l’accord de Paris sur le climat, la grande absente des négociations, la Terre, concrète, habitée et soumise à la règle du profit immédiat, donne de la voix. Nous apprenons que la Russie se réchauffe 2,5 fois plus vite que la planète, avec une accélération des inondations et incendies, un recul du permafrost et des glissements de terrain [^2]. Il en faut plus pour émouvoir le climato-sceptique Poutine, qui y voit une occasion de développer le grand Nord. Il rejoint ainsi le Groenland [^3], confronté à une fonte accélérée de la banquise et des glaciers du fait des températures polaires actuelles, supérieures de 20 °C à la moyenne. Il espère tirer profit d’une « farine rocheuse » laissée par la fonte des glaciers et pouvant servir d’engrais pour des sols épuisés dans d’autres contrées ! Dans la série récente, alors que la grande barrière de corail ceinturant l’Australie est de plus en plus menacée par la pollution et l’acidification des océans, cet État vient de donner le feu vert pour l’extension d’un port d’exportation de charbon sur la côte du Queensland, face à la barrière. COP 21 oblige, ce port, qui devrait permettre l’augmentation de 70 % de la capacité d’exportation, sera construit selon les plus hautes normes environnementales !

Enfin, pendant qu’on s’extasiait au Bourget sur les nouvelles techniques de forage, qu’on confiait le soin d’atteindre les objectifs climatiques aux techniques de capture et de stockage du carbone, une fuite dans un puits naturel de méthane, un des plus importants des États-Unis et à 50 km de Los Angeles, était révélée par le Washington Post, sans écho en France. C’est l’état d’urgence décrété ces derniers jours qui a fait connaître la catastrophe : 45 tonnes de méthane en moyenne s’échappent toutes les heures depuis plus de deux mois, sans que la solution technique pour l’arrêter n’ait été trouvée. Or, si le méthane a une durée de vie plus courte dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone, son potentiel de réchauffement global est 86 fois plus élevé que le CO2 à un horizon de vingt ans, et 34 fois à cent ans, selon le dernier rapport du Giec.

Les bonnes nouvelles nous viennent de mobilisations citoyennes. « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend », dirait Naomi Klein. C’est notamment la pression des citoyens qui a conduit Barack Obama à s’opposer au projet de construction de l’oléoduc Keystone XL. Ce dernier devait acheminer, sur plus de 2 700 kilomètres, le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta jusqu’au golfe du Mexique ! Bonne nouvelle provisoire, car, outre l’approbation du projet par le Sénat, l’entreprise canadienne TransCanada vient d’annoncer son intention de poursuivre l’État fédéral américain devant un tribunal arbitral, comme le lui permet l’Alena (Accord de libre-échange États-Unis-Canada-Mexique). Excellent exercice de compréhension du Tafta ! C’est aussi par la mobilisation citoyenne que nous bloquerons le projet d’aéroport « écologique » de Notre-Dame-des-Landes, accéléré depuis la fin de la COP 21. 

[^2]: LesÉchos.fr, 25 décembre 2015.

[^3]: « Le Groenland espère profiter du réchauffement climatique », LesÉchos.fr, 2 janvier 2016.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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