Syrie : L’impossible paix

L’accord signé à Munich sur la Syrie risque fort de n’être jamais mis en œuvre.

Denis Sieffert  • 17 février 2016 abonné·es
Syrie : L’impossible paix
© Photo : CHRISTOF STACHE/AFP

À peine signé, déjà obsolète. L’accord de Munich sur la Syrie risque fort de n’être jamais mis en œuvre. La Russie n’en veut pas, comme l’ont démontré lundi ses raids sur des hôpitaux, dont l’un soutenu par Médecins sans frontières au nord d’Alep. Le régime de Bachar Al-Assad n’en veut pas non plus parce qu’il croit possible et même imminente la prise d’Alep. Enfin, la Turquie intensifie ses bombardements contre les positions kurdes, au nord de la Syrie, mais aussi contre les populations du Kurdistan turc.

Dans ces conditions, on voit mal comment le cessez-le-feu prévu ces jours-ci pourrait devenir réalité. D’autant plus que Washington marque toujours son désintérêt pour cette région du monde. Après avoir dénoncé, lundi, « la brutalité du régime Assad », les États-Unis se sont contentés de « mettre en doute la volonté ou la capacité de la Russie à l’aider à arrêter ». Des termes qui confirment l’embarras de l’administration Obama au moment où le Premier ministre russe, Dimitri Medvedev, tient un discours martial.

D’autre part, les termes mêmes de l’accord de Munich évoquent un arrêt des hostilités, sauf contre les organisations terroristes Daech et Al-Nosra. Or, si la guerre contre Daech, qui se déroule dans une autre région, à l’est du pays, fait officiellement l’unanimité, la question est plus complexe en ce qui concerne Al-Nosra. Cette organisation, affiliée à Al-Qaïda, est en effet une composante majeure de l’insurrection. L’affaiblissement de l’Armée syrienne libre n’a fait que la renforcer. Sur le terrain, il existe une grande fluidité entre les groupes de l’insurrection, jihadistes ou modérés, selon les quartiers, les besoins en armes et en vivres.

L’ambiguïté de l’accord provient aussi de l’autre front, à l’est du pays, contre Daech. Russes, Turcs et Saoudiens utilisent l’alibi de leur appartenance à la coalition contre les jihadistes pour frapper d’autres cibles. Tandis que l’aviation russe bombarde l’insurrection dans les faubourgs d’Alep, les Saoudiens annoncent un engagement terrestre contre Daech qui peut aussi dissimuler une aide à l’insurrection. Enfin, Turcs et Kurdes poursuivent des agendas qui leur sont propres. Les Kurdes combattent l’insurrection, et Daech, avec l’objectif principal de conquérir l’autonomie de leur territoire en Syrie. Ce qu’Erdogan veut à tout prix empêcher, de crainte que se dessinent avec le territoire autonome kurde irakien les contours d’un Kurdistan qui empiéterait sur la Turquie. D’où des bombardements sur les positions kurdes en Syrie et une terrible répression contre les populations kurdes du sud-est de la Turquie. Une répression qui se déroule dans le silence assourdissant de l’Union européenne et de la France (voir article sur Politis.fr). Munich n’est décidément pas un bon choix pour des négociations de paix.

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