Banques : des profits inquiétants

Les crises sont précédées d’une hausse de la rentabilité bancaire.

Dominique Plihon  • 23 mars 2016 abonné·es
Banques : des profits inquiétants
© **Dominique Plihon** Membre du conseil scientifique d’Attac Photo : BOB DEWEL / ONLY FRANCE / AFP

Les grandes entreprises du CAC 40 ont engrangé 53 milliards d’euros de profits en 2015. Les géants de la bourse ne sont pas affectés par la crise : le profit de Total bondit de 43,5 %, ceux de Renault et de Veolia respectivement de 49,4 % et 86 %. Les meilleurs résultats viennent du secteur financier, qui réalise à lui seul 40 % des profits du CAC 40. BNP Paribas dégage le plus gros bénéfice (6,7 milliards), malgré l’amende de 8 milliards imposée par les autorités américaines pour non-respect de l’embargo au Soudan et à Cuba. Ce n’est pas tout : les banques ont accordé des hausses spectaculaires de dividendes à leurs actionnaires : BNP Paribas (+ 54 %), Société générale (+ 67 %), Crédit agricole SA (+ 71 %). Elles ne savent que faire de leurs profits !

Depuis la loi de 2013, les banques doivent rendre publiques des informations sur l’activité de leurs filiales à l’étranger, dont un tiers sont dans les paradis fiscaux. Exploitant ces données, un rapport récent de la plateforme des paradis fiscaux et judiciaires, qui regroupe une vingtaine d’ONG et de syndicats, apporte des informations éclairantes sur le comportement des banques [^1] : elles déclarent un tiers de leurs bénéfices internationaux dans les paradis fiscaux, le Luxembourg étant l’éden fiscal préféré des banques françaises ; un quart de l’activité internationale des banques est réalisé dans ces paradis fiscaux ; les activités des cinq banques françaises sont 60 % plus lucratives dans les eldorados fiscaux que dans le reste du monde ; les activités les plus risquées et spéculatives y sont toujours situées ; les impôts payés par rapport aux profits réalisés sont y deux fois moins importants ; les salariés des banques sont deux fois plus productifs dans les paradis fiscaux que dans les autres pays. Il y a même le cas des îles Caïmans où les filiales de BNP Paribas n’ont aucun salarié !

Les conclusions sont claires ! Les grands groupes du CAC 40 sont déconnectés de l’économie réelle. Ils ne sont pas affectés par la mauvaise santé de l’économie française, au contraire ! Car la majeure partie de leur activité est délocalisée à l’étranger. Quant aux banques françaises, leurs profits proviennent essentiellement d’opérations purement financières, sans relation directe avec le financement de l’économie. Les banques sont plus actives que jamais sur les marchés financiers et les produits dérivés. Cerise sur le gâteau : leur rentabilité financière est dopée par l’optimisation fiscale. Ainsi, les banques contribuent activement au déficit public en organisant l’évasion fiscale à grande échelle ; et elles alimentent les bulles spéculatives au détriment du financement de l’économie réelle [^2]. L’expérience passée montre que les crises bancaires, notamment celle de 2008, sont précédées d’une hausse de la rentabilité bancaire, alimentée par la spéculation. La prochaine crise n’est peut-être pas loin !

[^1] « Sur la piste des banques françaises dans les paradis fiscaux », 16 mars 2016.

[^2] Le Livre noir des banques, Attac et Basta !, Les Liens qui libèrent, 2015.

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