Gilles Simeoni : « Le peuple corse a vocation à être reconnu et à exercer des droits »
Le président autonomiste de l’exécutif de la Collectivité territoriale de Corse, Gilles Simeoni, dénonce la mauvaise volonté de Paris à l’égard des vainqueurs des dernières élections. Et les dangers qu’une telle attitude peut engendrer.
dans l’hebdo N° 1402 Acheter ce numéro

Face à un État français dont les responsables politiques ne sont pas enclins à faire de cadeaux à la nouvelle équipe dirigeante nationaliste arrivée aux responsabilités en décembre dernier, et dans un contexte général de baisse drastique des dotations aux collectivités territoriales, Gilles Simeoni aborde ici les principaux enjeux auxquels il est confronté depuis son entrée en fonction.
Vous avez prononcé une partie de votre discours d’investiture en langue corse. Était-ce un pied de nez à l’État français, voire une volonté de dénoncer la persistance d’une situation coloniale ?
Gilles Simeoni J’ai fait la plus grande partie de mon discours en français, notamment pour m’assurer que l’auditeur ne parlant pas corse puisse le comprendre. Si j’ai tenu à en prononcer aussi une partie en corse, ce n’était aucunement pour faire un pied de nez à qui que ce soit, mais pour affirmer sereinement, sans provocation, que la langue corse est notre langue et qu’elle a vocation à être utilisée de façon apaisée et naturelle, dans toutes les sphères de la vie, privée ou publique. Quant à la qualification des rapports entre la Corse et la France, un débat se poursuit pour savoir si, sur une longue durée, la politique de l’État français en Corse a eu, ou non, des aspects coloniaux. Pour ma part, je pense que oui. J’en veux pour preuve le fait que l’acte fondateur de la présence française a été une conquête militaire, sanglante et douloureuse, sur plusieurs décennies. Ensuite, sur le plan économique, il y a eu pendant plus d’un siècle des lois douanières qui détaxaient les produits français à l’importation en Corse et qui surtaxaient toutes les productions exportées de Corse vers le continent. Ce qui a eu pour conséquence de détruire le système productif local. Or, on sait bien, notamment avec les écrits de Samir Amin, que l’échange inégal est une des caractéristiques d’un système économique de type colonial. Enfin, dans la période plus récente, les Corses ont été systématiquement exclus du système économique en n’ayant pas accès au foncier, en particulier au lendemain de la guerre d’Algérie, lorsqu’il a fallu installer les rapatriés