Le temps des incendiaires

Il est permis de s’étonner de ce que les « socialistes » ne disent pas plus fort que la banalisation des attaques contre les centres pour sans-abri n’est pas tolérable.

Sébastien Fontenelle  • 19 octobre 2016 abonné·es
Le temps des incendiaires
© Photo : THOMAS SAMSON / AFP.

Au mois de février 2016, des habitants du XVIe arrondissement de Paris – où le mélange des classes est notoirement moins avancé qu’en certains lieux moins réservés – se réunissent pour dire en chœur leur opposition à l’ouverture près de chez eux d’un centre d’accueil pour SDF : des gueux, mon Dieu, à portée d’ouïe ? Mais pour qui nous prîtes-vous ?

Dans le cours de cet instructif happening – dont France Culture a fait ensuite un compte rendu qui vaut le détour [^1] –, un élu local du parti de M. Sarkozy, issu dit-on des rangs d’une droite plus roide encore, a semble-t-il été piqué au vif par les vociférations de ses administrés, qui lui faisaient grief de se montrer trop timoré dans son refus de laisser la mairie de Paris insérer quelques démuni-e-s dans leur retranchement.

L’émotif édile a donc lancé, sur le ton de la plaisanterie : « Qu’est-ce que vous voulez ? Vous voulez qu’on dynamite la piscine d’Auteuil [^2] ? Si vous savez le faire, vous gênez pas. Mais essayez de ne pas vous faire repérer. » (Puis d’ajouter, un rien faraud : « C’est bien la première fois qu’on me dit que je suis mou du genou! En général, c’est pas vraiment la réputation qu’j’ai ! »)

L’intéressant, dans le rappel de cet épisode, est que huit mois plus tard, dans la nuit de dimanche (16 octobre) à lundi dernier, le centre dont l’installation porte si fort sur les fragiles nerfs de ses riverains et de leurs représentants a été incendié : selon BFMTV, qui a révélé la chose, « il s’agirait d’un acte volontaire » – commis donc par des pyromanes qui ont effectivement su ne pas se faire repérer.

L’inquiétant – et le répugnant – est que ces salauds ne sont pas les premiers à se livrer à cette exaction, qui est au contraire en train de devenir, dans l’époque, relativement courante, pour ne pas dire routinière, puisque déjà un futur centre d’accueil pour réfugiés avait été incendié au début du mois de septembre dans l’Essonne, puis un autre, en Gironde, dans la nuit du 13 au 14 octobre [^3].

Dans un moment où ils ne restent jamais plus de quelques jours sans rappeler que la France vit sous la menace du terrorisme, il est d’abord permis de s’étonner de ce que les « socialistes » gouvernementaux ne disent pas plus fort que la banalisation de ces attaques n’est pas tolérable. Puis il faut espérer qu’ils ne manqueront pas de signifier aux élus trop décomplexés que tenteraient trop – fût-ce sous le sceau de la boutade – les radicalisations langagières que les mots ont un sens, et qu’il convient, par temps de haine, de ne plus se laisser aller à trop d’excitation.

[^1] www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/colere-dans-le-16eme.

[^2] Cette piscine est située à proximité du futur centre d’hébergement.

[^3] Dans la même période, des coups de feu ont été tirés en direction des centres de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique) et de Saint-Hilaire-du-Rosier (Isère)…

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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