Que faut-il faire de la Deutsche Bank ?

Pour le FMI, c’est la banque la plus dangereuse du monde.

Thomas Coutrot  • 5 octobre 2016 abonné·es
Que faut-il faire de la Deutsche Bank ?
© Photo : DANIEL ROLAND / AFP

La Deutsche Bank est depuis longtemps connue pour être l’un des principaux gangsters de l’oligopole bancaire mondial. François Morin [^1], en compilant les données officielles des régulateurs financiers, a montré que le nom de la première banque allemande revient dans quasiment tous les grands scandales financiers des quinze dernières années : ententes, manipulations de marché, tromperie des investisseurs, spéculations hasardeuses… C’est sous sa pression et celle des banques françaises que la troïka – Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI) – a « sauvé » la Grèce en faisant assumer par les États et la BCE les créances douteuses des banques privées européennes. C’est elle qui est dénoncée par le FMI dans un récent rapport comme « la plus importante contributrice au risque systémique », autrement dit la banque la plus dangereuse du monde : celle dont la faillite est à la fois la plus plausible et la plus catastrophique pour le système bancaire mondial dans son ensemble.

Ce mouton noir de la finance mondiale n’est pourtant pas seul en cause : HSBC, le Crédit suisse, les grandes banques américaines (JP Morgan, Goldman Sachs, Bank of America) et notre champion national BNP Paribas sont elles aussi d’une grande fragilité, sans parler des banques italiennes ou espagnoles. Mais il est vrai que la spéculation actuelle concentrée sur la banque allemande n’est pas le fruit du hasard. Si les fonds spéculatifs ont massivement vendu leurs actions Deutsche Bank depuis un an, lui faisant perdre 65 % de sa valeur boursière, c’est que la réputation de la banque en matière de coups tordus et de prises de risques inconsidérés n’est plus à faire.

L’amende de 14 milliards de dollars évoquée mi-septembre par la justice américaine pour l’arnaque des subprimes semblait sonner la fin, mais sa renégociation quasi instantanée (et miraculeuse) à « seulement » 5 milliards a provoqué un ouf de soulagement et un rebond de l’action Deutsche Bank le 1er octobre. Le répit sera sans doute de courte durée : la banque allemande risque d’avoir besoin d’une importante arrivée de nouveaux capitaux dans les prochains mois. Angela Merkel a juré qu’elle ne sauverait pas la Deutsche Bank avec l’argent public, mais elle ne peut pas non plus laisser la banque s’effondrer, entraînant avec elle tout le système financier. Cherchera-t-elle les fonds nécessaires en ponctionnant les comptes de ses clients et en annulant ses dettes auprès des créanciers privés ? C’est ce que veulent les règles de la récente Union bancaire européenne, et ce serait logique venant de la rigoriste chancelière et de son ministre Wolfgang Schaüble, qui ont donné des leçons de vertu financière à toute l’Europe. Logique mais politiquement suicidaire… et très probablement insuffisant pour enrayer la dynamique de crise financière globale. À moins qu’elle n’appelle la BCE à la rescousse, au mépris des traités européens… Une seule chose est sûre : Angela Merkel essaiera de trouver des échappatoires et de gagner du temps sans jamais proposer la seule solution logique et juste : la socialisation démocratique de la Deutsche Bank et des banques systémiques européennes.

[^1] L’Hydre mondiale. L’oligopole bancaire, PUF, 2015.

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