Intérimaires en danger : « L’urgence » du combat à mener

Sur un même poste de travail, un intérimaire est deux fois plus susceptible de subir un accident du travail. Alors que des discussions sont engagées avec le patronat de l’intérim, sur la santé et la sécurité au travail, la CGT lance une campagne choc pour dénoncer cette réalité.

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 8 novembre 2016 abonné·es
Intérimaires en danger : « L’urgence » du combat à mener
© Photo transmise par l'Union syndicale de la CGT Intérim

Les deux millions de salariés intérimaires employés chaque année ont jusqu’à deux fois plus de risques de connaître un accident du travail que leurs collègues en CDI. De même, le taux de gravité est doublé lorsque l’incident survient.

Au lancement de sa campagne nationale d’information et d’actions revendicatives, la CGT de l’Intérim veut faire passer le message : « Urgent ! Intérimaires en danger. » Alors que des négociations de branche avec Prism’emploi, la chambre patronale des agences d’intérim, sur la santé et la sécurité au travail sont en cours, Philippe Texier, secrétaire général de l’Union syndicale de la CGT intérim introduit d’emblée cet état de fait à l’occasion d’une conférence de presse organisée ce mardi 8 novembre :

En France aussi, le travail à n’importe quel prix et dans n’importe quelles conditions blesse et tue, dans l’indifférence totale du patronat et des pouvoirs publics, des dizaines de milliers de salariés. Avec près de 70 tués et 40.000 blessés chaque année, les deux millions d’intérimaires […] paient un lourd tribut.

Pour faire face à ce triste bilan et changer la donne, la CGT espère « l’obtention d’un accord avant la fin de l’année, garantissant de façon efficace la santé et la sécurité au travail » des intérimaires par « la prévention, la formation, les visites de postes, l’organisation d’une médecine du travail dans les entreprises » ou encore « par la traçabilité des expositions aux risques ». Au-delà, l’Union syndicale de la CGT intérim réclame la reconnaissance de l’intérim comme facteur de pénibilité et l’élaboration d’une « liste noire » regroupant les entreprises qui offriraient des postes considérés comme accidentogènes – c’est-à-dire les postes plus pénibles et les plus usants.

Une initiative qui permettrait une suspension des relations commerciales entre toutes les agences d’intérim, afin que celles-ci ne perdent pas un « client », et l’entreprise, qui serait alors contrainte d’améliorer les conditions de travail.

Mais pour le moment, l’Union syndicale de la CGT intérim pointe la « complicité » de ces deux acteurs qui externalisent les risques « sur les intérimaires qui, par définition, sont plus vulnérables en terme de pression et de chantage à l’emploi », précise le dossier de la CGT :

Les entreprises utilisatrices peuvent faire tourner des machines dix ans de plus sans avoir à faire les investissements nécessaires pour améliorer les conditions de travail et la sécurité, comme elles seraient obligées de le faire si elles mettaient des salariés en CDI sur ces postes.

Parce que si « un salarié en CDI s’épuise ou se blesse sur une vieille machine, [cela] peut coûter très cher, explique Alain Wagmann de l’USI-CGT. Alors les entreprises ont tendance à y affecter des intérimaires et à les changer dès qu’ils n’en peuvent plus au lieu d’investir ».

Des intérimaires « utilisés, cassés et jetés »

Loin d’être gagnée, cette bataille, actuellement discutée par le patronat de l’intérim, risque de ne pas mener à des accords « très ambitieux », remarque cependant Philippe Texier. « C’est la CGT de l’intérim qui a obtenu l’ouverture d’une négociation de branche sur la santé et la sécurité pour les intérimaires au travail », souligne le secrétaire général de l’Union syndicale, pour qui les salariés intérimaires sont aujourd’hui « utilisés, cassés et jetés » :

Le patronat nous dit aussi qu’il veut signer un accord avant la fin de l’année, mais qu’il ne sera pas satisfaisant. On en est là…

Si la CGT intérim espère, grâce à cette campagne, faire pression pour qu’une entente acceptable soit rapidement trouvée, celle-ci n’acceptera que des « avancées réelles ». D’où la volonté d’alerter les intérimaires sur les dangers qu’ils encourent : entre 2012 et 2014, 201 salariés de la branche sont morts. 122.832 autres ont été blessés. Rien qu’en 2014, l’assurance maladie a enregistré 39.869 accidents du travail dans le secteur de l’intérim et 64 décès, dont la moitié sur le trajet domicile-travail.

Le taux de fréquence national d’accidents du travail, c’est-à-dire le nombre d’accidents avec un arrêt de travail supérieur à un jour au cours d’une période de 12 mois par million d’heures travaillées, est de 22,9 pour les salariés en CDI contre 34,9 pour le travail temporaire (soit un rapport d’environ 1,5). Dans certains secteurs, comme celui de la métallurgie, le taux de fréquence est plus de deux fois supérieur dans l’intérim (42,8 contre 20,1).

Du côté des maladies professionnelles déclarées par les intérimaires, les documents transmis par l’Union syndicale parle de 741 cas déclarés en 2014. « Un vide de données » qui s’explique par le fait « qu’un salarié travaille de manière discontinue et change fréquemment d’entreprise et de poste », ce qui laisse penser que le chiffre est en réalité beaucoup plus élevé. Aussi, « il n’existe aucun système de traçabilité de carrière et d’exposition aux risques dans le travail temporaire », ce qui ne permet pas de « relier une maladie déclarée à une activité professionnelle ou un lieu de travail ». Pourtant, Philippe Texier assure que les maladies professionnelles feraient « des milliers de morts chaque année », notamment dues à l’amiante ou aux cancers.

Travail
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