Clivage : Le nucléaire a toujours ses fidèles

Certains candidats s’essaient au jeu du ni oui ni non, toujours avec la croissance en ligne de mire.

Vanina Delmas  • 18 janvier 2017 abonné·es
Clivage : Le nucléaire a toujours ses fidèles
© Photo: Christophe Estassy / CITIZENSIDE / AFP

Si l’écologie est présente dans les sept projets, quelques fissures de taille apparaissent entre les candidats sur un thème : le nucléaire. Cautions « écolos » de la primaire, François de Rugy et Jean-Luc Bennhamias sont les plus prompts à en sortir, visant une France labellisée 100 % énergies renouvelables en 2050. Le premier prévoit la fermeture des centrales à 40 ans, et même la disparition du nucléaire à l’horizon 2040, le second acte la fermeture d’au moins « une douzaine de réacteurs en France » dans les prochaines années. « Fermer Fessenheim avant la fin du mandat est encore possible », a lâché François de Rugy dans un élan optimiste, voire utopiste. Un engagement bien plus timoré chez Benoît Hamon, qui a pourtant promis de « ne plus jamais être socialiste sans être écologiste ». Il appelle plutôt à une « transition progressive » et à s’assurer que, « si la part du nucléaire diminue, on ne lui substitue pas des énergies fossiles ».

Réseau Sortir du nucléaire

collectif « Quelques candidats (Benoît Hamon, François de Rugy et Jean-Luc Ben­nahmias) semblent avoir intégré l’impératif de la transition énergétique et la nécessité pour cela de sortir du nucléaire. Même si les rythmes qu’ils proposent restent lents au regard des enjeux. Toutefois, il est désolant de voir plusieurs autres s’en tenir à des clichés éculés sur le nucléaire, « garant de l’indépendance énergétique de la France » (Sylvia Pinel), voire qualifié d’« énergie la plus propre » (Vincent Peillon). Ne parlons pas des dinosaures (Manuel Valls et Arnaud Montebourg), grands partisans de l’atome, qui tentent, sans convaincre grand monde, de faire oublier qu’ils ont chanté les louanges du nucléaire en qualité de ministres. Un positionnement affligeant, alors même que le vieillissement des réacteurs français appelle des décisions urgentes pour éviter fiasco financier, menaces sur la sûreté, catastrophe industrielle, écologique et humaine. Il serait d’ailleurs nécessaire que les candidats s’expriment sur l’actualité du moment (EDF et Areva en faillite, scandale massif à l’usine du Creusot, projet d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure…). Enfin, si quasiment tous les candidats se réfèrent à la loi de transition énergétique, il est évident que peu d’entre eux semblent décidés à concrétiser une véritable baisse de la part du nucléaire. Comment croire en ces vagues promesses de la part de candidats proches d’un gouvernement qui n’a même pas été capable de fermer la seule centrale de Fessenheim ? »
Vincent Peillon s’engage naturellement à réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité d’ici à 2025, conformément à la loi de transition énergétique votée en août 2015… et à la proposition n° 41 de François Hollande en 2012 – même si ce dernier visait 75 % à 50 %. Au fil de ses déclarations, on comprend que Vincent Peillon consent davantage à respecter la loi qu’à défendre une conviction profonde : « L’énergie la plus propre, c’est le nucléaire », a-t-il déclaré, le 7 janvier, sur France 2 peinant d’ailleurs à indiquer quelles centrales il fermerait définitivement.

Pour Sylvia Pinel, qui prône une « écologie de progrès et non de blocage », il faut « poursuivre une politique environnementale de croissance par le soutien aux énergies renouvelables comme à la sûreté de l’énergie nucléaire ». Un jeu du ni oui ni non, toujours avec la croissance en ligne de mire.

Le nucléaire comme filière d’avenir a encore ses fidèles. Pour Arnaud Montebourg, l’exercice est périlleux tant son étiquette d’anti-écolo et de productiviste à tout prix lui colle à la peau depuis son passage à Bercy. D’où l’élaboration d’un manifeste de cinq pages intitulé Écologie : ce que je crois. « Mon ennemi, c’est le carbone, c’est-à-dire les énergies fossiles,avait-il confié sur Europe1. Ce qui suppose que nous conservions le nucléaire dès lors que nous n’avons pas de problème de sécurité. » Dans une vision pragmatique, il renvoie la responsabilité de la fermeture des centrales à l’Autorité de sûreté nucléaire.

Quant à Manuel Valls, il a opté pour une stratégie assez floue, conforme à ses changements de position depuis plusieurs années. Lors de sa conférence de presse début janvier, l’ancien Premier ministre a répété que le nucléaire est un secteur qui a des avantages et un coût, et qu’il faut le « sécuriser en prolongeant ou en fermant des réacteurs ». Plus question pour lui de prôner une sortie de l’atome et un référendum sur la question comme il y a six ans, lors de la précédente primaire. Surtout après son soutien à Areva en 2015, lorsque le « fleuron de l’atome » croulait sous les dettes. Sûr que la décision de Bruxelles d’autoriser l’État à aider l’opérateur français à rembourser ses dettes lui fera plaisir. En attendant, Fessenheim patiente toujours… quatre ans après la promesse de François Hollande de fermer la plus ancienne centrale nucléaire de France.

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