Justice : Puissant ou misérable…
Si les magistrats jugent en droit, des réflexes de classe peuvent orienter leurs décisions, à l’image du fonctionnement global de la société.
dans l’hebdo N° 1438 Acheter ce numéro

Le 23 novembre 2016, Bagui et Youssouf Traoré tentent d’assister au conseil municipal de Beaumont-sur-Oise (95), commune où, en juillet, leur frère Adama a trouvé la mort au commissariat, a priori étouffé sous deux gendarmes. Les policiers municipaux les empêchent d’entrer, la tension monte : les deux jeunes hommes sont interpellés et promptement placés en détention provisoire. Trois longues semaines, en attendant leur procès.
Alors que leur sœur, Assa Traoré, devenue porte-parole de la famille après le décès de son frère, dénonce « les mensonges » répétés de la maire (UDI) de la ville, mais aussi du procureur de Pontoise (à tel point que son avocat a obtenu le dépaysement du procès d’Adama au TGI de Paris), les juges du chef-lieu du Val-d’Oise condamnent Bagui et Youssouf à huit et trois mois de prison ferme – auxquels s’ajoutent 7 390 euros d’intérêts civils.
Même si certains de leurs accusateurs en uniforme se sont dits incapables de reconnaître leurs agresseurs, au sein de la mêlée devant la mairie, les magistrats justifient ainsi leur verdict : le comportement des deux prévenus « démontre un affranchissement des lois de la République et le mépris de l’autorité de ceux qui sont là pour les faire respecter […]_. Dans ces conditions, seule une peine de prison d’un quantum significatif sera de nature à faire prendre conscience de cette gravité et à rétablir, par son caractère exemplaire, l’autorité des forces de l’ordre »_… Pour l’exemple, donc !
Ces derniers mois, les manifestations d’extrême sévérité de la justice se sont multipliées contre des militants, des syndicalistes, des médecins du travail, des personnes en grande précarité ou d’autres citoyens. Lors des manifestations contre la loi travail, des militants arrêtés ont aussi connu la rigueur de décisions de justice