Antiterrorisme : Fillon et Le Pen, siamois sécuritaires

Au lendemain de l’attaque survenue à Paris jeudi soir, Marine Le Pen et de François Fillon ont réagi de la même façon, quitte à faire des erreurs dans leur surenchère à visée électorale.

Hugo Boursier  • 21 avril 2017
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Antiterrorisme : Fillon et Le Pen, siamois sécuritaires
© photo : Martin BUREAU / POOL / AFP

Les deux partis n’ont pas le même nom, mais les discours sont semblables. Au lendemain de l’attaque survenue jeudi soir sur les Champs-Élysées à Paris, Marine Le Pen et François Fillon se sont tour à tour exprimés lors d’une conférence de presse. Les réponses des candidats du Front national et des Républicains sont chargées d’un vocabulaire de guerre et soutiennent des mesures d’exception qui vont dans le même sens.

Commune sémantique

Marine Le Pen et François Fillon, avant que les résultats approfondis de l’enquête ouverte par le parquet antiterroriste ne soient connus, ont placé l’attaque des Champs-Élysées dans la même lignée que ceux que la France subit depuis l’attentat de Charlie Hebdo. La grammaire martiale utilisée par les deux candidats commence par la qualification de « l’ennemi » : une « idéologie totalitaire monstrueuse [qui] a déclaré la guerre à la nation, à la raison, à la civilisation », pour Marine Le Pen ; un « totalitarisme islamiste, dont le but est de détruire notre civilisation » pour François Fillon. La présidente et candidate du Front national détaille :

La guerre qui nous est menée est une guerre asymétrique, une guerre révolutionnaire, une guerre qui a pour objectif notre soumission à une idéologie meurtrière, une guerre où il n’y a pas d’arrière puisque toute la population et tout le territoire sont exposés. Une guerre nous est menée sans pitié et sans répit et chacun peut comprendre que l’on ne peut pas la perdre.

Face à ce « totalitarisme », la réponse avancée par les deux candidats est la même : elle doit être « sécuritaire », et prendre une échelle « totale, globale ». Ainsi, tous les domaines seront sollicités. Marine Le Pen souhaite « une nation renforcée dans ses moyens d’État, humainement, moralement et matériellement », lorsque François Fillon entend « réarmer les plans sécuritaire, militaire, diplomatique, idéologique, et culturel », bref, selon lui, « opposer un mur intellectuel ».

Les deux discours s’adressent aux citoyens selon le même rythme et avec des expressions similaires. Le candidat des Républicains explique ainsi la nécessité pour tous d’être « lucide et sans angélisme », lorsque celle du Front national souhaite une nation « qui choisit de renoncer à la naïveté, à l’excuse, au laxisme ». La politique antiterroriste était aussi la cible de critiques : « Depuis dix ans, sous les gouvernements de droite et de gauche, tout a été fait pour qu’on perde cette guerre », avance Marine Le Pen, elle qui était absente pour voter les lois de renseignement au Parlement européen.

Remèdes sécuritaires

Malgré les critiques de plusieurs ONG comme Amnesty International, ainsi que du Syndicat de la magistrature, François Fillon voit dans l’état d’urgence un avenir obligatoire. Avec une imprécision explicite, il promet :

Nous sommes en état d’urgence et il ne sera pas levé avant longtemps. Nous sommes dans une guerre qui sera longue.

L’arsenal judiciaire d’exception des deux candidats comporte des points communs. Ils exigent que les Français partis rejoindre l’État islamique soient déchus de leur nationalité, sans être certains de l’efficacité de cette mesure. Concernant les fichés S français, alors que l’assaillant qui a tué un policier sur les Champs-Élysées ne l’était pas, ils seraient placés en détention immédiate s’ils « sont connus pour leur adhésion à idéologie avec l’ennemi ». François Fillon, dont la lutte contre le terrorisme est devenue la « priorité », souhaite que les employés qui « reçoivent du public », et dont seuls « les comportements apparaissent » comme étant « incompatibles avec l’exercice de leur fonction », doivent faire l’objet de « criblage » c’est-à-dire d’une vérification que la personne ne figure dans aucun fichier sensible.

Les deux candidats exigent un suivi carcéral spécifique, sans préciser davantage les contours, sauf par la création de places de prison supplémentaire. Mais pour Marine Le Pen, c’est la « perpétuité réelle » qui s’appliquera pour les personnes portant atteinte à la vie des forces de l’ordre, en plus d’un rétablissement de la peine plancher et de la double peine.

Imprécisions et fake news

Après s’être une première fois exprimé pour appeler à « l’unité » ce matin, le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a tenu à réagir aux interventions de Marine Le Pen et de François Fillon. Pour la première, il critique sa « méconnaissance des dispositifs », par exemple lorsqu’elle souhaite expulser hors du territoire français les individus disposant d’une fiche S pour islamisme : « Depuis mai 2012, 117 personnes ont été expulsées », a rappelé le Premier ministre. Il a aussi ajouté que le FN avait « voté contre toutes les lois antiterroristes ». C’est aussi ce qu’avait dénoncé le journaliste Nicolas Hénin sur Twitter :

© Politis

Pour Bernard Cazeneuve, le discours frontiste a été une « occasion médiocrement électorale » pour elle, afin de « profiter et instrumentaliser pour diviser, exploiter sans vergogne la peur à des fins politiciennes ». Il a critiqué la volonté de François Fillon de créer 10 000 postes de policiers, lui qui en a « supprimé 13 000 » lorsqu’il était chef du gouvernement.

Le candidat LR a d’ailleurs maintenu ce vendredi 21 avril que deux attaques terroristes s’étaient déroulées hier soir, invitant les journalistes de « Quotidien » à regarder « les rapports de police ». Cette information a été pourtant démentie par la préfecture de police et le ministre de l’Intérieur.

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