Fessenheim : l’ultime échec de François Hollande

C’est une promesse non tenue de plus pour le Président socialiste : le conseil d’administration d’EDF a refusé ce jeudi 6 avril la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Hugo Boursier  • 6 avril 2017 abonné·es
Fessenheim : l’ultime échec de François Hollande
© photo : SÉBASTIEN BOZON / AFP

La centrale de Fessenheim ne fermera pas sous François Hollande. La décision du conseil d’administration d’EDF, réuni au siège de l’entreprise à Paris jeudi 6 avril, a fait exulter les 250 manifestants présents sur place. Avec la CGT Énergie, ils dénonçaient les pertes d’emplois qu’aurait selon eux induit la fermeture de la plus vieille centrale de France. Ce choix signe aussi un énième et dernier échec du quinquennat de François Hollande, auteur une nouvelle fois d’une promesse qui demeurera non tenue.

Deux motions ont été présentées aux membres du conseil d’administration, incluant le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, dont la voix compte double. La première demandait l’abrogation de l’exploitation de la centrale. La seconde reportait la décision sur sa fermeture d’ici fin 2018. Le conseil, constitué seulement de ses membres indépendants (les administrateurs salariés étant opposés au projet, et les représentants de l’État ne se prononçant pas) a donc opté pour le report de la fermeture, se laissant ainsi le temps de manœuvrer avec le prochain gouvernement, qui ne sera pas forcément contre Fessenheim : seul Jean-Luc Mélenchon, et moins explicitement Benoît Hamon, souhaitent la fermeture de cette centrale, contrairement à Emmanuel Macron, Marine Le Pen ou François Fillon.

Le nucléaire ne cède pas

Le gouvernement s’était engagé dans un combat médiatique depuis quelques jours, pour mettre la pression sur la direction d’EDF, après cinq ans de lenteur politique sur ce dossier. Michel Sapin avait expliqué que « l’État, qui détient plus de 80 % du capital d’EDF, doit pouvoir imposer ses vues », au micro de RMC ce jeudi matin. Ségolène Royal lançait aussi mercredi : « Je mets en garde les administrateurs d’EDF […] qui porteraient ainsi atteinte à l’intérêt de l’entreprise », avant de confirmer : « Ce serait un coup porté à EDF si […] les choses ne se passaient pas correctement ». La ministre se pensait en position de force, après avoir cédé, entre janvier et mars dernier, sur des conditions favorables pour l’entreprise.

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Parmi elles, une indemnité fixée à 489 millions d’euros en faveur d’EDF pour faire face à cette fermeture « anticipée », ou encore l’autorisation pour le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel (Seine-Maritime) de redémarrer. Pourtant, sa production avait été arrêtée pour un délai de deux ans minimum, suite à un accident inhabituel survenu en mai 2015. Un générateur de vapeur était tombé sur le sol du bâtiment, sans faire cependant de dommage radioactif, la piscine du réacteur ayant été vidé au préalable.

Faiblesse politique

Alors, pourquoi avoir refusé la fermeture ? La première raison est qu’EDF n’y a aucun intérêt, bien aidé par un gouvernement décidé à ne pas être le plus efficace pour forcer l’entreprise à fermer sa centrale. En septembre 2015, ce dernier a décidé d’inverser la logique de la loi sur la transition énergétique. Cette disposition, censée au départ établir un plafond de 63,2 gigawatts, imposait la fermeture de Fessenheim afin que l’EPR de Flamanville puisse démarrer sa production. Désormais, il faut attendre l’ouverture de cette centrale de troisième génération pour que Fessenheim ferme. Or l’EPR, qui devait être effectif en 2012, ne pourrait être ouvert qu’en 2019. Rien ne presse donc, pour EDF, surtout à un mois de la présidentielle.

L’autre raison est celle de l’emploi : selon la CGT, les emplois de 2 000 personnes seraient menacés (850 employés qui travaillent sur le site et 510 prestataires liés à la centrale ; enfin, 550 postes sont induits par la consommation des familles et ou ceux de salariés directs ou indirects). Des emplois qui peuvent en partie être réutilisés dans la transition écologique, à condition que le gouvernement y mette les formes.

« Le lobby, c’est l’État lui-même »

Or le lobby nucléaire se situe à tous les niveaux de l’État. Ainsi, dès le début des débats sur la transition énergétique, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues se seraient plaints auprès de l’ancienne ministre de l’Écologie, Delphine Bartho, qu’elle n’y associe pas assezles entreprises, avant de la convier à un dîner avec les présidents de Total et d’EDF. Cette influence pousse l’ancienne ministre Corinne Lepage à dire que « le lobby, c’est l’État lui-même ». Résultat : dans les objectifs fixés par la loi de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique français, aucune centrale nucléaire n’est explicitement citée.

La décision d’EDF ne surprend pas Jean-Marie Brom, directeur de recherche au CNRS, engagé pour la fermeture de la centrale alsacienne. Pour lui, les pressions du gouvernement sont de « la poudre aux yeux ». Il explique : « La fermeture était importante car c’était le symbole de la transition énergétique. L’inaction de François Hollande est révélatrice de son quinquennat : je le dis, mais je ne le fais pas. » Une inaction qui donne la possibilité au futur gouvernement de rester dans le nucléaire, alors que 24 pays de l’Union Européenne sur 27 sont sortis ou presque de l’atome. Une position française qui va à l’encontre des engagements pris lors de la COP21.

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