François Gemenne : « La France terre d’asile est une légende »
Le politologue belge François Gemenne déconstruit l’expression « appel d’air », qui déshumanise les migrants et repose sur un mensonge.
dans l’hebdo N° 1451 Acheter ce numéro

Spécialiste en géopolitique de l’environnement, François Gemenne explique en quoi l’idée d’appel d’air fait fi des études sérieuses sur les migrations pour servir le « bon sens populaire », alimenter la peur brandie par l’extrême droite et justifier des politiques d’accueil restrictives. Il rappelle que la France n’est plus un pays attirant et que ce qui pousse les gens à choisir un pays c’est la langue, la famille éventuellement déjà établie et la possibilité d’y trouver du travail.
D’où vient la notion d’appel d’air ? A-t-elle une réalité ?
François Gemenne : J’aurais beaucoup de mal à retracer la généalogie exacte de cette expression. Mais deux choses sont certaines. D’abord, elle s’inscrit dans la lignée des métaphores qui visent à déshumaniser les migrants : l’appel d’air, la vague, le grand remplacement, la fuite d’eau… Toutes ces expressions considèrent les migrants comme des choses matérielles, et les flux migratoires comme des problèmes à résoudre, voire des réparations domestiques à effectuer. Quand on sait que plus de 5 000 migrants sont morts l’an dernier en Méditerranée, ce vocabulaire est indécent.
Ensuite, comme toutes les expressions que je viens de mentionner, celle-ci trouve sa source dans un prétendu « bon sens populaire » qui ne se vérifie pas du tout dans les études sérieuses. Tout le problème de notre perception des migrations est là : nos connaissances ne corroborent pas nos a priori, nos perceptions des migrations sont très différentes des réalités. Mais un mensonge simple est plus facile à croire qu’une vérité compliquée, et beaucoup de