Le cri de détresse des ouvriers de GM&S

Les 279 salariés de GMS Industry à La Souterraine (Creuse), sous-traitant de PSA et Renault, protestent contre l’abandon du site par ces constructeurs.

Malika Butzbach  • 12 mai 2017
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Le cri de détresse des ouvriers de GM&S
© Photo : PASCAL LACHENAUD / AFP

O n a piégé l’usine », a annoncé jeudi 11 mai Vincent Labrousse, délégué CGT du site de GMS Industry à La Souterraine (Creuse), à France Info. « Nous refusons d’être baladés une minute de plus […] Cela fait six mois que l’on se bat, et nous sommes désolés d’en arriver là, mais aujourd’hui la menace, c’est celle d’une liquidation pure et simple. Si tel devait être le cas, l’usine ne sera pas rendue intacte ! »

En plus des bonbonnes de gaz installées, les salariés ont détruit des machines, notamment une machine-outil servant à produire les [carters](https://fr.wikipedia.org/wiki/Carter_(m%C3%A9canique) – un geste symbolique. Ils ont affirmé casser une machine par jour jusqu’au 23 mai, date à laquelle le tribunal de commerce de Poitiers décidera de la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Un « net désengagement » des constructeurs

GM&S Industry a subi de plein fouet la crise du secteur automobile de 2008, sans profiter de la reprise cinq années plus tard. La faute à une gestion défaillante, et pour cause : quatre propriétaires se sont succédé depuis 2006. En 2014, c’est Gianpiero Colla qui, soutenu par PSA, rachète l’entreprise pour 3 euros, et qui empochera presque un million du CICE en retour.

Les élus du personnel soupçonnent PSA d’avoir gagné du temps pour organiser son « resourcing » – pratique, légale mais peu morale, consistant à multiplier ses sous-traitants, qui se retrouvent peu à peu privés d’une partie de son chiffre d’affaires. Dans le cas de GM&S, dont PSA et Renault représentent 80 % des commandes, cela représente une forte chute de l’activité et un danger pour les 279 emplois. Si, de leur côté, les constructeurs affirment avoir maintenu leur niveau de commande, un rapport comptable du cabinet Syndex, publié en mars, s’étonne « du très net désengagement » des marques.

Échec des négociations

Sous la houlette de l’État, des négociations s’étaient mises en place avec PSA et Renault quant au volume des commandes, mais le 10 mai, l’intersyndicale (CGT-FO) annonce l’échec des discussions. Renaud Le Youdec, négociateur de crise et gestionnaire de transition mis en place par le mandataire judiciaire, a appelé les constructeurs « à prendre leurs responsabilités » :

Je rappelle que, depuis mon arrivée, les syndicats et les salariés ont fait preuve de bonne foi. Ils ont renoncé à bloquer le site, ils ont accepté le principe d’un plan de licenciement, ils ont même accepté de dépanner de manière urgente Renault sur des pièces défectueuses sous-traitées ailleurs, preuve de leur bonne foi.

Un défi pour le nouveau Président

C’est désormais au plus haut sommet de l’Etat que les salariés en appellent, notamment en demandant l’arbitrage d’Emmanuel Macron, et réclament d’être « considérés comme des interlocuteurs sérieux ». Ils avaient d’ailleurs interpellé le candidat d’En marche ! lors de sa visite à Oradour-sur-Glane durant l’entre-deux-tours. Le plan social de GM&S devient le premier défi socioéconomique du Président, alors même que le souvenir de Whirlpool est encore dans les mémoires. La CGT va appeler, au niveau local et national, à une manifestation dans la Creuse le 16 mai.

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