Radio tracteur

Dans une création scénique et radiophonique, l’Amicale de production interroge la capacité des nouvelles technologies à réenchanter le monde.

Anaïs Heluin  • 10 mai 2017 abonné·es
Radio tracteur
© photo : Simon Gosselin

Le petit tracteur posé au fond d’un plateau nu n’induit pas longtemps en erreur : l’Amicale de production ne cultive pas l’utopie d’un retour à la terre. Pas plus que la défense de la paysannerie n’est son objectif. Le rêve de cette ­coopérative artistique franco-belge créée en 2010 repose sur le monde tel qu’il est, marqué par le développement des nouvelles techno­logies. Comme dans ­Germinal et Corps diplomatique, ses précédentes créations, elle déploie dans On traversera le pont une fois rendus à la rivière une poétique fondée sur les réseaux de communication. Un univers fait de bidouillages mi-scientifiques mi-loufoques imaginés par Antoine Defoort, Mathilde Maillard et Sébastien Vial.

Le cadre narratif est simple, presque anecdotique. Tombée en panne en pleine Camargue, Brigade – un prénom qui devient beau à force d’être répété, nous apprend Mathilde Maillard, qui incarne le personnage – rencontre Jacques (Arnaud Boulogne) et Samuel (Sébastien Vial). Un agriculteur à la retraite et son neveu, dont le tracteur est devenu un studio radiophonique nomade – et très expérimental. La visiteuse est d’emblée intégrée à l’émission en cours, mise en abyme de la pièce, qui se déroule à la fois en salle dans une configuration classique et dans l’intimité de plusieurs spectateurs connectés via leur ordinateur à une webradio créée par la compagnie. Les bricolages du trio font du plateau un laboratoire où les conditions de la représentation sont interrogées avec esprit ludique et subtilité.

En ajoutant un groupe aux deux entités qui fondent habituellement la représentation théâtrale, l’Amicale de production pose non seulement la question de la place du théâtre à l’heure du 2.0, mais aussi celle de la possibilité d’une collaboration inventive. Qu’elle soit d’ordre artistique ou simplement pratique. Car, dans On traversera le pont une fois rendus à la rivière, le dialogue entre acteurs, spectateurs et auditeurs de la webradio a souvent des effets concrets. L’allumage de bûches électriques, par exemple, pour réchauffer les trois complices après une averse.

Appelés à participer au spectacle en se servant de leur ordinateur ou de leur téléphone, spectateurs et auditeurs contribuent à une dramaturgie qui se joue de toutes les frontières. Aussi bien entre fiction et réalité qu’entre proche et lointain. La preuve que, sans aller jusqu’à la table rase, un monde meilleur est possible.

On traversera le pont une fois rendus à la rivière, Amicale de production, jusqu’au 13 mai au 104, Paris XIXe, 01 53 35 50 00.

Théâtre
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