Priorité aux piétons

Marcher n’est pas qu’une activité physique bonne pour la santé. C’est aussi vivre un quotidien plus sain, convivial et ouvert sur le monde.

Vanina Delmas  • 26 juillet 2017 abonné·es
Priorité aux piétons
photo : Comme ici à Marseille, de plus en plus de villes aménagent des espaces dédiés à la marche.
© BORIS HORVAT/AFP

Quelques minutes avant la sonnerie de l’école, des têtes blondes avancent groupées, parfois en traînant des pieds, parfois en sautillant gaiement. Cette caravane d’enfants fait chaque jour le chemin de l’école à pied, sous l’œil bienveillant de parents accompagnateurs. Sous ses allures naïves, ce qu’on nomme le « pédibus » concentre tous les bienfaits de la marche : exercice physique, réduction de l’empreinte écologique, responsabilisation de l’enfant, apprentissage de la mobilité et développement des liens sociaux entre gamins et adultes. Depuis 2014, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) recommande aux mairies ce ramassage scolaire pédestre comme alternative à la voiture dans le cadre du Plan de déplacements établissement scolaire (PDES).

Les vertus sanitaires de la marche ne sont plus à démontrer, puisqu’elle est recommandée à l’unanimité par les médecins. L’Institut de recherche du bien-être de la médecine et du sport santé (IRBMS) consacre une page à la question sur son site Internet. Le Dr Patrick Bacquaert conseille de marcher 30 minutes ou 10 000 pas par jour. Un véritable enjeu de santé publique puisque cela permet de prévenir des pathologies chroniques comme l’obésité, les maladies cardiovasculaires et respiratoires, les cancers, les diabètes, la dépression… Et de combattre doucement mais sûrement la sédentarité, considérée comme le quatrième facteur de risque de décès dans le monde (6 %) par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). D’ailleurs, en 2013, les États membres de l’OMS ont décidé de réduire de 10 % le niveau de sédentarité dans le cadre du Plan d’action mondial pour la lutte contre les maladies non transmissibles 2013-2020.

Si marcher semble être de moins en moins une évidence dans les campagnes françaises, se déplacer à pied en ville est en train de devenir un réflexe. Les municipalités et métropoles suivent le mouvement et (re)donnent de plus en plus de place au piéton afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre, notamment en centre-ville. Les berges de la Seine à Paris, le centre de Bruxelles, Pontevedra, en Galice… Les projets de piétonnisation abondent, malgré le mécontentement d’automobilistes encore nombreux. Mais développer la marche ne peut se faire sans intégrer les enjeux environnementaux liés à la pollution atmosphérique. Rien qu’en France, la pollution aux particules fines cause plus de 48 000 décès prématurés par an, selon l’agence Santé publique France. Les autorités ont pris conscience de leur devoir d’accompagner ce changement de mentalités.

Pour l’anthropologue Sonia Lavadinho, le phénomène de marche urbaine va bien au-delà des questions de mobilité, de santé, de qualité de vie et « touche aux plus fondamentales de nos valeurs sociétales : la liberté de mouvement, l’accessibilité aux ressources urbaines, matérielles autant qu’immatérielles, les sociabilités ». Dans sa thèse Le Renouveau de la marche urbaine : terrains, acteurs et politiques, soutenue en 2011 à l’École normale supérieure de Lyon, elle développe l’idée de l’empowerment des piétons, souvent sous forme d’associations : « La phase ultime de cet empowerment collectif est celle de son incorporation personnelle : même lorsqu’il marche seul, le piéton se sent membre d’une entité sociale reconnue et respectée. C’est en cela que l’on peut parler d’une véritable culture de la marche urbaine », écrit-elle.

Une redécouverte de sa ville, de son espace de vie, de ses voisins, encourageant à faire une pause dans le rythme effréné de nos sociétés ultra-connectées. Quoique… Une étude réalisée par l’université Anglia Ruskin, en Grande-Bretagne, et publiée dans la revue Plos One, a prouvé que marcher en envoyant un texto ou en consultant ses mails sur son téléphone rend la démarche plus prudente par peur des obstacles. Certaines villes ont donc adapté l’espace urbain à ceux que les Anglo-Saxons appellent les « petextrians » – mélange de pedestrians (piétons) et texting (envoyer des messages). À Sydney des lumières rouges ou vertes sont incrustées sur certains trottoirs pour signaler aux piétons s’ils peuvent traverser ou non ; à Chongqing, en Chine, ou à Anvers, en Belgique, des voies ont été dessinées pour déambuler la tête baissée sans risque de collision. Marcher en ville permet donc de recréer du lien social… à condition de lever la tête.

Société
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